Alpes

ALPES-MARITIMES

Le courage de parler, le courage de se taire

Alpes-Maritimes. 24 mars 2007

8 présents

* Après réflexion, je me suis rendu compte que le courage c’est l’inverse de la lâcheté, ce n’est pas la sagesse. J’ai réfléchi à une expérience sur le courage de parler. C’est dans mon travail que j’ai eu le courage de dénoncer une situation qui n’était pas tolérable, contre ma hiérarchie. Nous avons eu, collectivement, ce courage de parler. Cela a été positif, puisque nous avons obtenu gain de cause. J’en suis sortie grandie, plus forte, ainsi que les autres je pense. Ce courage de parler a changé ma vie, mon existence. Le courage de se taire : dans la vie privée, de temps en temps, j’ai le courage de me taire. Je n’en sors pas aussi épanouie que dans le premier cas (le courage de parler), mais il y a une finalité.

* J’ai la même première partie que le témoignage précédent. Je revois la scène où nous nous sommes retrouvés avec le DG et le chef de la CME, vis-à-vis du problème de notre chef de service. J’avais dit que tout ce que notre chef de service souhaitait c’était de laisser un tas de cendres après lui. J’ai eu peur, au début, de ce que je disais, puis mes autres collègues m’ont réconfortée. Je suis donc fière d’avoir fait cela. Pour le reste, nous avons parfois la sagesse de se taire, on se dit qu’il vaut mieux se taire. Est-ce que c’est la sagesse de se taire, ou le manque de courage de parler ? C’est souvent le cas dans la vie privée. Le cas du divorce de mon beau-frère, par exemple, où je me disais que je devais appeler ma belle sœur… Je n’ai pas appelé, et cela laisse l’impression d’un manque de courage. La sagesse de se taire doit être réservée à des cas particuliers, et le courage de se taire doit être privilégié. Difficile, dans notre métier, d’avoir le courage de dire ce qu’ont les patients. Je suis contente de ne plus avoir à le dire. L’angine de poitrine de ma grand-mère : je regrette de ne pas avoir dit à ma mère quelle était la gravité de la situation. Se taire, c’est pour éviter les conflits, mais on finit toujours par le payer.

* Se taire c’est toujours une lâcheté pour moi. Je repense toujours à mes parents, quand j’ai eu mon bac. Il me manquait 2 points. J’ai passé l’oral. La partie « maths » s’est mal passée. J’en ai parlé à mon père, qui m’a demandé de le taire. Cela, j’ai mis 20 ans à m’en remettre. Aujourd’hui, si je construis une relation, pour moi, une relation c’est de dire.  Ce qui est difficile, c’est de dire, particulièrement avec mes enfants. Pour ma fille, c’est difficile de parler, et donc pour nous, c’est difficile de lui parler. J’essaie de trouver ce courage-là. Pour moi, quelqu’un qui m’aime, c’est quelqu’un qui a le courage de tout me dire.

 

* Les héros qui ont eu le courage de parler et de se taire. Mandela, Jean Moulin. D’un point de vue personnel, ce qui revient, c’est lorsque j’étais au CE2, l’instituteur de mon frère m’a convoqué dans la classe, silence, très grave, il me montre une feuille avec la signature de mon père en me demandant si c’était bien la signature de mon père, ou si c’était une imitation faite par mon frère. Cela avait du mal à sortir, mais j’ai dit que ce n’était pas la signature de mon père. J’en ai fait des cauchemars. J’ai trahi mon frère devant tout le monde. Est-ce qu’il fallait parler, est-ce qu’il fallait se taire ?

* Courage de se taire : C’est un témoignage du travail, avec mon chef. Il y a une notion de transparence qu’il faut mettre en œuvre dans l’entreprise. Ceci ne veut pas dire que l’on doit tout se dire. Il y a des processus mis en place pour canaliser l’information.

Pour moi, on n’a pas à tout dire. Une décision a été prise par le directeur d’établissement : tous les sous-traitants ne pouvaient plus se garer dans le parking. Cette décision a fait beaucoup de bruit. Certains managers ont fait corps avec la direction, d’autres ont pris le parti des sous-traitants. La DRH a rappelé que c’était une décision d’entreprise, et qu’il ne fallait pas trop faire de bruit. Ce message était diffusé aux managers. Mon chef a diffusé ce message. Je n’ai pas divulgué ce message. Pour moi, c’est le courage de se taire. Celui qui reste transparent, il ne prend pas de responsabilité, il ne fait pas corps avec les décisions qui sont faites. Courage de parler : le politiquement correct prend le dessus dans notre société, et cela s’accélère. Pendant  le déjeuner, c’est le cas, il y a des règles ; on n’a pas le droit de parler de boulot. Il y a des sujets bannis, car jugés non politiquement corrects (politique, environnement, …).  En société, il y a des gens qui peuvent penser des choses, et qui n’osent pas s’exprimer. Il y a beaucoup de sujets sur lesquels je ne m’exprimerai pas, par manque de courage, car je trouve que l’on est très bridé au niveau de la liberté d’expression, de nos jours.

* Double exemple sur la religion : en octobre, nous étions invités à Munich. Je n’ai pas osé dire que je faisais l’aumônerie, et que j’étais catholique. J’en ai eu honte, après. Le fait de me confesser : quand je ressors, je me dis que ça vaut la peine. Le courage de se taire : j’en veux à ma mère d’avoir trompé mon père pendant que j’étais gamine, au point que je me demandais qui était mon père. Je ne veux pas en parler à mes filles. Cela m’a fait du mal. Je prends sur moi le fait qu’elles me prennent pour quelqu’un de bizarre, qui n’explique pas toujours les choses.

 

* Le courage de parler : je l’ai remarqué chez plein de personnes. Chez ma femme, qui a réussi à tenir tête à un copain forte tête. Elle lui a dit qu’il s’était trompé. Elle est allée jusqu’au bout de son opinion. À l’occasion d’une discussion téléphonique avec un ami. Je n’étais pas très à l’écoute. Il m’a dit qu’il n’avait pas aimé. J’ai trouvé cela très courageux. J’ai trouvé Marie courageuse également. Au tout début, avec ma femme, ça ne s’est pas très bien passé. J’ai eu le courage de lui dire que ce n’était pas le bon moment et qu’il fallait attendre un peu. 6 mois plus tard, c’était le moment. Je n’ai pas été « faux cul » avec elle, j’en ai eu le courage. Vie professionnelle : en général, avec mes chefs, j’ai le courage de dire ce que je pense. Cela n’a pas été le cas d’un grand chef, où je n’ai pas eu le courage de lui dire ce que je pensais. J’ai sans doute eu la sagesse de me taire.

 

* Le courage de parler ou de se taire devant quelqu’un qui va mourir. Je pense à mon père. Ses médecins (ma femme et sa mère) savaient qu’il allait mourir. Il y a dans ces moments-là comme une hypocrisie, car tout le monde sait, et personne ne parle. Ce n’est pas facile de dire « je sais que tu vas mourir, je t’aime, ce sont nos derniers instants, et il faut que nous en profitions ». Tout le monde fait semblant de rien. Moi, je ne m’en rendais pas compte. Ma femme a voulu me protéger. Cela aurait été peut-être mieux que je le sache. L’histoire de la partie d’échec, où il était fatigué, et que je lui avais dit qu’il fallait qu’il se batte. Nous nous parlions par allusions. Il voulait me dire qu’il allait mourir. Je l’ai compris. C’était sous-entendu. Il faut prendre le courage de le dire.

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