La transmission aux générations futures :
"De ce que j'ai reçu et de mes expériences,
qu'est-ce que je souhaite transmettre."

Aix-en-Provence. 5 décembre 2005

13 présents

Ce que je veux transmettre : le patronyme et le patrimoine, bien sûr, mais aussi la nécessité et la vertu du pardon, c'est ainsi qu'après avoir été anéantie par une réprimande, j'ai aussitôt retrouvé mon équilibre lorsque le coupable m'a téléphoné pour demander pardon.

Je voudrais transmettre tout ce que j'ai reçu : la bonne humeur, la joie de vivre, le désir d'enfants… l'honnêteté (anecdote: 50 F restitués alors qu'ils avaient été donnés par erreur) qui fait que je peux dire à mes enfants: "je ne mens jamais". J'ai un souvenir ému de ma marraine, passionnée, artiste, présente quand il le fallait, et dont les cadeaux à Noël avaient toujours une signification. J'aimerais transmettre l'enthousiasme, le goût de dire "oui".

On transmet ce qu'on est, et il n'est pas meilleur enseignement que l'exemple. J'espère avoir transmis l'honnêteté, l'écoute, la gratuité, la faculté de demander pardon, d'être soi-même, et de dire merci – en particulier à la vie.

J'aimerais transmettre : "n'ayez pas peur", que ce soit d'être ridicule, d'être jugé, etc... Une peur morale envahissante conduit à la méfiance et donc à l'appauvrissement de soi. Dans mon cas, cette peur n'a commencé qu'à l'adolescence, mais j'ai dû lutter longtemps ensuite.

Transmettre, oui, mais à qui ? Étant sans enfant, je m'efforce de transmettre aux jeunes dont je m'occupe dans le cadre de la plongée, le respect de la Nature, et le goût de la générosité, de l'action bénéfique qui ne demande rien en échange, et la curiosité en toutes choses. J'ai reçu cela plutôt de ma mère, et d'amis qui ont beaucoup compté pour moi.

J'espère avoir transmis certains des préceptes que j'ai reçus (par exemple: ne jamais emprunter), le goût de l'effort, de la persévérance, de la ténacité, le goût de la connaissance (qui permet au moins de ne pas juger quand on ne connaît pas assez), le courage d'être ce qu'on est. Ce qui compte, c'est la trace qu'on laisse dans le cœur des autres.

Je rentre d'une cérémonie d'"intronisation" des Quat'zart à Cluny, et j'ai été frappée de voir que les valeurs du compagnonnage* n'étaient pas perdues. Les nouveaux sont accueillis dans une famille spirituelle, bien qu'il s'agisse d'une école d'Etat, où règne l'esprit d'ouverture, l'entraide, le respect. À mes jeunes patients déboussolés, j'essaye de faire comprendre qu'ils doivent aller jusqu'au bout de leurs possibilités.

Arrivant dans mes dernières années d'activité professionnelle, j'essaye de transmettre mon savoir aux jeunes de notre école, de façon qu'ils puissent rejoindre nos rangs. De quoi les jeunes, en général, ont-ils besoin ? De ce que l'expérience apprend, mais leur monde risque d'être bien différent du nôtre…

Vis-à-vis de mon fils, je crains d'avoir provoqué sa timidité en multipliant les conseils du genre : "fais ceci, ne fais pas cela…". Il s'agit dans ce cas, d'une transmission involontaire.

J'espère transmettre la confiance (en soi, en l'autre) qui m'a été nécessaire pour continuer à vivre, et à vivre bien, après la mort de notre fils. Transmettre aussi le sens de la famille, malgré le divorce de nos enfants (dans les familles dites reconstituées, je crois qu'il reste toujours une fêlure). Transmettre enfin le goût de la recherche spirituelle, et le partage de la foi chrétienne.

J'aimerais transmettre le goût de vivre, de positiver. J'aimerais transmettre à mes enfants ce que je n'ai pas reçu moi-même étant enfant : l'amour. Je ne pense pas avoir hérité des dons artistiques de mes parents, mais mon fils, oui.

Je me reproche quelquefois d'avoir donné à mes enfants l'image d'un père versatile dans ses opinions, mais je leur ai transmis l'honnêteté envers soi-même et envers les autres, cette vertu souterraine qui fait qu'on se reconnaît entre gens honnêtes, et qui crée un lien (anecdote : le portable trouvé, la possibilité de tricher dans l'adduction d'eau…).

Bien qui nos enfants fassent des métiers différents des nôtres, je crois leur avoir transmis mes valeurs, par ex. le goût de la vérité scientifique, ou au moins de la recherche. On transmet surtout par son comportement. Je ne suis pas très directif vis-à-vis de mes patients, et leur laisse une certaine liberté dans la façon de se soigner.

À la différence d'un témoignage précédent, j'ai reçu, moi, beaucoup d'amour de la part des mes parents, mais étant sans enfant, je ne peux le transmettre. Je considère que c'est un échec, mais il faut accepter son destin. Dans mon rôle de professeur, j'ai passé ma vie professionnelle à essayer de transmettre toutes les valeurs dont il a été question ce soir.

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