Ma Patrie et moi ?

Aix-en-Provence. 5 avril 2004.

15 présents.

C'est une idée dormante en nous, que seule la guerre réveille ; or nous sommes en paix (relative) depuis 60 ans… L'état des lieux est assez inquiétant : service militaire supprimé, paroles de la Marseillaise oubliées, peu de drapeaux pour les fêtes militaires… Pourtant, la France est pour moi : un territoire, une culture, une langue. Dans les éléments qui composent notre culture, l'idée de liberté (et la réalité de cette idée) est pour moi la plus précieuse. Rejetons chauvinisme et nationalisme, demandons-nous : serais-je prêt à risquer ma vie par patriotisme, pour préserver tout ce que représente pour moi la France traditionnelle (plutôt que celle qu'elle devient…).

Pour ma part, je n'en sais trop rien ; je voudrais pouvoir répondre : oui, mais doute de mon courage.

Effectivement la question ne se pose pas. Mais je suis fière d'être Française. Mon métier m'amène à côtoyer d'autres nationalités européennes, et j'apprécie que les Allemands soient devenus des amis; l'Europe doit préserver les spécificités de chaque pays. Le problème, ce sont les Américains, qui me paraissent inférieurs sur le plan de la culture et de la morale (arrivisme…) Il faut saisir l'opportunité de faire l'Europe, et ne pas se recroqueviller sur sa propre patrie.

J'ai eu un oncle engagé volontaire dans la Résistance à 17 ans, et mort à Ravensbrück. Est-ce que j'aurais eu son courage ? Lors d'un voyage en Crête, j'ai pu expérimenter à quel point la France est aimée. J'ai honte que mon pays n'ait rien fait contre le génocide du Rwanda.

Je suis une Française de l'étranger ; il m'est arrivé, à Tahiti, qu'on me fasse sentir que je n'étais pas chez moi. Même dans un village, celui qui vient d'ailleurs peut éprouver le même rejet. J'aime un pays qui, hélas, n'existe peut-être plus.

Je suis écolo-planétaire, et j'ai prénommé Sydney mon premier fils. J'aimerais être polyglotte pour pouvoir communiquer dans tous les pays. Contre la violence, j'ai tendance à réagir instinctivement (voir le conflit israélo-palestinien). Notre culture fait partie de nous-même, mais je suis plus attiré par les différences des autres ; je crois qu'il faut être vigilant pour défendre ce que nous avons.

Si j'avais été Gaulois du temps des Romains, j'aurais collaboré, plutôt que de défendre ma patrie. Au début de la 2e guerre mondiale aussi, avant qu'Hitler n'apparaisse pour ce qu'il était… Les Français me déçoivent trop. Le patriotisme me paraît une notion critiquable, comme le chauvinisme. En revanche, si on tentait de m'imposer un autre mode de vie que celui dont je bénéficie dans mon pays, je serais capable du pire, mais est-ce défendre la patrie ?

Je me sens appartenir à "quelque chose" mais pas aux 60 millions de Français actuels ; je ne peux non plus percevoir les Américains comme ennemis : trop de choses nous unissent (en revanche, les Asiatiques…)

Plutôt que la patrie, je suis prêt à défendre ce qu'elle représente. C'est une question de mots. A l'étranger, j'ai vite le mal du pays. En revanche, je refuse d'être manipulé pour devenir agressif. Accessoirement, je me sens aussi un peu Suédois (par ma femme).

Le 11 novembre demeure pour moi un anniversaire sacré, mais je me sens maintenant surtout européenne, et prête à défendre partout la cause des enfants. Les U.S.A font du chantage pour que les pays européens entrent dans l'OTAN. L'Europe doit pouvoir contrebalancer le rôle de l'OTAN.

[Petite discussion : la France aussi en fait toujours partie mais n'est pas dans le commandement intégré : nous avons l'arme atomique, mais elle demeure en notre seul pouvoir].

Je serais plutôt résistante que collaboratrice. Au terme de mes études, j'aurais pu travailler dans le service des tourelles de char d'assaut, mais j'ai préféré l'installation du matériel médical dans les blocs opératoires. En cas de conflit, j'aurais très peur de ne pouvoir résister à la torture. En temps de paix, je suis très satisfaite de participer aux défilés, au sein de l'harmonie municipale !

Jeune, j'étais antimilitariste, un peu par opposition à mes parents. Cela m'a nui pour entrer à l'école de l'Air. Maintenant, j'ai changé, et ne sais pas trop pourquoi. A l'étranger, j'ai tendance à trouver les autres supérieurs à nous. Sauf aux U.S.A., qui sont pour moi un anti-modèle, que j'ai envie de combattre.

La patrie est pour moi un territoire, et un peuple. J'accepte volontiers que l'argent de mes impôts serve aussi à la Polynésie, qui fait partie du territoire national. Je n'ai pas de préférence marquée pour le peuple français, mais je suis prêt à me battre pour défendre le territoire. Pourtant, j'ai du mal à aller voter, parce que les hommes politiques me paraissent des hypocrites uniquement préoccupés de leur carrière.

La patrie est pour moi identifiée à certaines valeurs (ne serait-ce que : Liberté, Egalité, Fraternité), même si ce n'est pas très juste, hélas. Eventuellement je pourrais accepter de mourir pour ces valeurs. Mais comment savoir ? Je suis attaché à la tradition catholique, tout en n'étant pas chrétien. Je suis également favorable à l'Europe, parce que le premier pays en est la France !

Je trouve que voter est un devoir, parce qu'il y a des gens qui sont morts pour obtenir ce droit. Mais je suis de plus en plus européen, et très attaché à la laïcité, qui pour moi est incompatible avec le patriotisme.

Je suis une Française née près de la frontière (Suisse), d'où sans doute mon patriotisme. Mes parents tenaient un commerce où, enfant, j'ai entendu beaucoup de récit de guerre. Le 11 novembre, les drapeaux : tout cela compte pour moi ; je trouve scandaleux de ne pas aller voter. Mourir pour un bout de colline, plusieurs fois repris par l'ennemi ? Pas pour la colline, mais pour ce qu'elle représente. Je trouve magnifique la déclaration des droits de l'Homme, et me sens encore plus française qu'européenne.

Étymologiquement, la patrie est le pays de nos pères… Donc pour moi, c'est avant tout le Beaufortain, où je peux remonter jusqu'à 20 générations. La France est le pays qui m'a instruit, et celui de mes enfants sera, j'espère, l'Europe, et plutôt celle des régions que des nations ; au-delà, je me sens citoyen de la Terre. Pour mon pays, j'ai fait 4 enfants, 4 maisons, un métier de chercheur, et je participe à la vie citoyenne. J’ai donné la totalité de mon sang 4 ou 5 fois (collecte !). Je serais prêt à me faire tuer pour les valeurs de liberté et de laïcité, pour la Savoie, peut-être pour l'Europe, mais pas pour la France.