CONTRADICTION ENTRE MON ÉTHIQUE
ET MES FONCTIONS

(Aix en Provence 17 décembre 2001)

° Oui, très souvent. Face à mes jeunes enfants : si on a envie de rire, on se retient.

Quand j’étais responsable d’un groupe, j’ai dû défendre des positions qui n’étaient pas les miennes. Ex : Une machine qui tournait 24h/24h si elle s’arrêtait, catastrophe. Conflit dur, les gens compétents ne voulaient plus travailler 24/24.

Autre témoignage : grève du CEA, directeur (savoyard !) a affronté, puis a donné son point de vue personnel, ce qui a aidé les grévistes, donc en contradiction avec sa fonction.

Enfin : juré en juin en procès d’assise. Si le défenseur de l’accusé se met à défendre la société, plus rien ne marche, quelle que soit sa conviction profonde. Seuls les jurés ont le droit d’avoir une conviction intime.

° Dans mon métier éminemment moral (recherche du beau, du bien), je n’ai pas eu ce type de conflit et j’ai eu de la chance. J’ai le plus profond mépris pour les Avocats.

° Avec un malade cancer des 2 poumons qui s’étouffait, j’ai été tentée d’avoir recours à la morphine alors que je ne veux pas donner la mort. Avec mes enfants, en fait, pas vraiment eu de problèmes avec eux. Je ne supportais pas les différences dans les soins en fonctions des critères sociaux.

° Je réagis aux propos de mon prédécesseur. Je suis enseignante. C’est dur de voir la différence entre les jeunes pauvres et ignorants qui n’arriveront jamais et les riches cultivés qu’on aime. C’est un conflit moral pour moi, sur tout quand j’étais au Lycée. Une fois en commission d’appel, un élève voulait aller en TS… il ne pouvait pas, et nous le savions, et je me sentais impuissante, alors que j’avais envie de l’aider.

° Je sens un conflit récurrent entre éthique et fonction. Parfois, je devrais faire des choses (propositions à un client) et je ne le fais pas pour une logique commerciale qu’on me rappelle…

Depuis que je travaille (25 ans), je pense être qualifié de marchand de canons. Ça ne me fait rien, mes canons n’ont jamais tué personne. Je ne choisis pas mes boulots en fonction des profits de carrière offerts, ça aurait pu me poser des problèmes.

° Avec mon fils, j’ai l’impression d’avoir été trop dirigiste (il me le reproche). Dans mon travail qui concerne la Loi de Finances à appliquer j’ai des conflits dans mon vécu, mon mari ayant une entreprise. Je vois les deux côtés de la barrière. Souvent quand les gens ne déposent pas leur déclaration et sont en difficultés de paiement, j’essaie de ne pas les enfoncer encore plus et je les incite à régulariser leur situation avant que ce ne soit plus dramatique. Je pense que j’ai une oreille attentive. C’est vrai que du fait que souvent mes collègues sont mariés entre eux, la vision de l’extérieur n’est pas souvent très tolérante, je supporte mal ce corporatisme. J’ai eu des conflits personnels avez l’Administration lors de mon divorce et j’ai subi la machine compresseur en marche, donc je comprends mieux.

En fait je ne crois pas avoir de vocation fiscale, les taxations de Successions, en l’occurrence des petites, avec tout le voyeurisme dans les comptes bancaires cela ne me plaisait pas.

Difficiles et complexes sont souvent les nouvelles lois et pour les appliquer… il y a beaucoup d’erreurs.

° Je suis chimiste. La chimie, ce n’est pas très propre (toxicité, nocivité/réponse réelle à un besoin). Je suis parfois obligé d’utiliser des produits agressifs. Quand j’étais cadre dans une grande société, j’étais obligé de faire passer un message du patronat qui ne me convenait pas.

Je suis en fait agent commercial d’un grand groupe américain, je suis tributaire du pétrole ; en plus je suis chef d’entreprise et je voudrais sauvegarder l’environnement. Je suis coincé. J’ai quand même la chance de réaliser un vrai partenariat de qualité sans tricherie. Les emballages à recycler coûtent cher (par exemple pour le chauffage).

° Vous êtes vraiment vertueux. L’éthique ça m’agace. Je me suis arrangé avec l’éthique de mes fins de mois (ah, une maîtresse), le médecin nous soulage de la douleur dans le milieu hospitalier et dans le quotidien (ce qu’on pense être bien pour une personne et ce qu’elle attend… ce que l’on respecte). Si je suis trop en désaccord avec le Président, je le dis, il va voir ailleurs. Le problème de l’euthanasie évolue quand les gens sont vraiment confrontés à la mort. En fait, on se construit des stratagèmes « économique psychologique » Tous les ans, au séminaire d’Annecy, on parle de problèmes professionnels relationnels : au fur et à mesure, j’ai de moins en moins de problèmes, c’est la bouteille.

En revanche mes enfants : mon éthique pour eux n’est pas toujours celle que je m’applique. J’essaye d’expliquer mes positions plutôt que d’endosser mon vêtement de père... même quand je me trompe, et mes enfants connaissent mes contradictions.

° Professionnellement : adéquation morale-profession qui s’est posée tôt pour moi. J’ai choisi la solution de facilité » : les gens qu’on n'aime pas, on ne les voit pas. Pour être en accord avec moi-même, je fais un peu d’activité dans des associations. C’est agréable et facile de parfois soigner les gens gratuitement. Problème de l’euthanasie en France, on ne le codifie pas, de toutes façons je n’ai pas de principe religieux.

Ce qui me perturbe le plus : en fait peu de difficultés car secteur facile.

° Mes parents commerçants mais non voleurs ? En fait, dans le village, ils ont rendu service, ils ont beaucoup travaillé, c’était un magasin « tournant », ouvert de 6h à 20 heures. Je me garde bien de juger le travail des autres.

Mon métier = catéchisme et former catéchistes. Position de M. le Curé à toujours raison… contre laquelle j’ai incité mes élèves à la révolte.

° Je n’ai pas eu d’enfants, mais j’ai été amené à m’occuper d’enfants. Quand des parents disent "je n’étais pas comme ça à leur âge" je ne les crois pas (amis parents d’un garçon de 17 ans).

Moniteur de plongée : gamins qui manifestement avaient fumé du H. Je leur ai montré que je n’étais pas dupe, sans leur dire que j’étais d’accord (je suis pour la dépénalisation). Mes supérieurs m’ont reproché de ne pas les avoir dénoncé. Qu’aurait-il fallu faire ?

On m’a fait remarquer la barrière que les moniteurs hommes mettent avec les jeunes filles de 14-15 ans, toutes plus mignonnes les unes que les autres.

Mon expérience de commerçant : je ne pouvais pas vendre du mauvais matériel.

° A 18 ans, je vendais des vêtements de mode… j’étais incapable de vanter la marchandise qui n’allait pas à la cliente.

° Une rencontre sur mon chemin, Paul, au bout de la route qui me voit et qui me demande : est-ce que je peux ne pas aller au lycée aujourd’hui, jour de neige. Coincée cette fois ci, ma rigueur morale !  Que dois-je répondre ?

Hôpital : choix des gens : à « pognon », à pouvoir, sont des cas de conscience.

En libéral position plus confortable. Fonction d’épouse et de mère : je me fais souvent violence pour assurer cette fonction.