Prière cette présence dans un immeuble prolétaire,
au simple contact des hommes lointains ou proches de toi,
parce que nous sommes ici pour témoigner que tu es vivant, Seigneur.
Prière cette astreinte au travail, horaires fixes et salaire minimum,
pour partager le lot commun en ton nom, Seigneur.
Prière ces jours de Semaine Sainte mangés par le boulot,
sans pouvoir s'offrir le temps de s'arrêter pour longuement méditer,
car ils sont offerts pour toi, Seigneur,
au nom des hommes qui connaissent les mêmes conditions de vie.
Prière ces longs trajets en voiture entre travail et hôpital,
où je chante la beauté du Val et la joie d'être ton enfant, Seigneur.
Prière cette constante fatigue due à la maladie,
qui me rappelle toujours que je ne puis m'appuyer sur mes propres forces
mais seulement sur toi, Seigneur.
Prière ces heures d'hôpital qui reviennent inlassablement
et que je suis heureux d'offrir, Seigneur,
car sans aucun mérite j'y partage le lot de tant de souffrants.
Prière cette vie en communauté choisie pour témoigner de toi, Seigneur,
et qui ne cesse de nous rappeler que nous sommes impuissants à vivre pleinement l'Amour.
Prière ce rythme des offices, bien pauvres dans la forme
et pourtant si riches par le sens et ce qu'ils disent au cœur,
car ils sont ta louange, Seigneur.
Prière cet oratoire, signe de ta présence au cœur de la ville,
Pain de vie pour l'homme bousculé et blessé, Icône adorable pour soutenir la foi.
Prière ces longs silences devant toi, gratuits, " inutiles " :
ce cœur à cœur de la prière continuelle, ce temps tout bête avec toi, pour toi,
au nom d'une espérance, au nom de tous les hommes, à cause de l'Amour.
Prière cette aventure merveilleuse de ton salut annoncé,
de la Bonne Nouvelle proclamée,
de ton nom béni dans ces multiples groupes que tu fais naître
pour ta louange et ta gloire.
Prière cette contemplation de l'action de ton Esprit
au cœur d'hommes et de femmes jusqu'ici ignorant ton visage et ton nom,
qui ensemble découvrent ce qu'est vivre de toi, avec toi et pour toi, Seigneur.
Prière encore l'accueil de ceux-là qui,
dolents et souffrants, cherchent réconfort et compréhension,
certes auprès de nous,
mais au-delà de nous-mêmes, en toi, Seigneur, que nous voulons rendre proche.
Prière aussi ce temps passé douloureusement sur un trottoir d'usine
avec ceux-là que l'on veut licencier et qui crient leur droit de vivre,
ou près de cette malade, depuis vingt ans couchée,
qui attend ce jour où nous venons chaque mois
partager sa prière, son offrande, son acte d'abandon et de confiance en toi, Seigneur.
Prière aussi, Seigneur, l'offrande de ma faiblesse,
de tant d'incapacité à vraiment aimer,
de tant d'impuissance à vraiment être celui que tu voudrais,
de tant de refus de me donner, prière, oui, Seigneur,
car je crois à ton amour qui me prend dans cette faiblesse même.
Oui, prière toute cette vie banale, Seigneur,
parce que je désire à chaque instant me tenir devant toi
parce que je sais qu'à chaque instant tu es, Seigneur, le plus proche,
parce que je suis sûr, Seigneur, que ta main me conduit,
comme elle conduit ton Peuple, tous ceux-là de la ville au milieu de qui nous vivons.
Bruno NENERT