Vivre avec l’ÉTRANGER, mes peurs,

mes difficultés, mes enrichissements

Nice, 16 décembre 2007

7 présents

Une autre version de « mon HLM », de Renaud : il y avait une famille maghrébine, avec une femme et son foulard. Lors d’une pénurie de sucre la dame a amené du sucre. Aujourd’hui, je me demande si une entraide aussi forte dans les HLM serait toujours possible. Mes voisins étaient un couple mixte franco-algérien. Pourquoi aujourd’hui ne peut-on plus le faire ? Pourquoi cela ne fonctionne plus ?

Quand j’étais petite, je pensais que tout le monde était pareil. Il y avait une famille juive. La femme mettait du jaune d’œuf sur les pâtisseries. Ce qui m’a gêné avec les étrangers, c’est le fait d’être très accueillant au prime abord, et par la suite beaucoup de distance s’installait. Expérience d’URSS : différence entre leur pauvreté et leur grand sens de l’accueil. C’était de bon cœur, sans calcul. Je me sens française, mais française de l’étranger. Je ne me sens jamais vraiment à ma place.

Je me souviens d’une expérience récente en vacances, avec un couple d’Américains. Expérience positive et enrichissante, où l’on apprend la culture de l’autre, où l’on apprend à s’ouvrir. Expérience un peu plus ancienne : j’avais dû travailler à Milan 2 à 3 jours tous les 15 jours. Je côtoyais beaucoup d’Italiens. J’ai appris plein de choses. J’avais rencontré une personne intéressante, et j’étais allé chez lui. C’est bien de découvrir un peuple et de recevoir une image différentede celle que l’on a avant. Les Italiens sont polis, propres, ils boivent beaucoup de bières. L’expérience a été très enrichissante. J’ai plus de choses à dire sur les découvertes et les enrichissements que sur les peurs.

Il y a 2 façons de voir l’étranger : la façon lointaine (les Anglais, les Italiens, …) et la façon proche, et là tout change … Quand on vieillit, on est moins réceptif. À Valbonne, c’est farci d’Anglais. Les Anglais sont très calmes. Ils achètent des maisons, ils donnent un peu l’impression de nous envahir. C’est toujours ambivalent. Au travail, chez HP, quand on parle des Indiens, c’est pour parler de gens qui te piquent ton boulot. Jusqu’à ce qu’une Indienne soit venue à la maison : très gentille, très ouverte. Elle a fait la cuisine. J’ai eu avec elle des discussions très profondes. Si l’on se parlait plus, sans trop se renfermer, cela permettrait de mieux nous entendre. À Valbonne, si les Anglais votaient, il y aurait plus de votants anglais que français… Vivre avec un étranger : nous avons accueilli une petite fille Russe pendant 2 étés. Faire entrer quelqu’un dans la cellule familiale est quelque chose de difficile. Être là, ça devient parfois difficile. Je crois que je vieillis beaucoup car j’ai de plus en plus de mal à accepter l’étranger. Cet été, nous avons passé un mois en Bolivie et j’ai été contente de rentrer à la maison.

J’ai trouvé le sujet intéressant. D’abord, au départ, mon mari est un étranger (un Lorrain). Finalement, cela s’est très bien passé. L’autre fois, je suis allé à Lille, en congrès. Les gens y sont charmants, ouverts, accueillants. Quand j’étais étudiante, j’ai eu un ami qui était étranger. Je me suis rendu compte que les familles se ressemblent, même si les traits de culture sont différents. Je suis partie plusieurs fois en Afrique, où j’ai vécu avec des sœurs africaines. En Afrique, tout est très hiérarchisé, les hommes mangent d’abord. Les gens y avaient été très accueillants. Nous voyons peu d’étrangers dans notre environnement familial. Lorsque nous sommes allés au Québec, je n’ai pas senti les gens si différents de nous. Là où j’aurais le plus de mal, c’est avec les Asiatiques. Les Africains sont natures, spontanés. Les Asiatiques ont beaucoup de retenue et m’attirent moins, car on ne sait pas toujours ce qu’ils pensent.

Quand j’étais petit, j’habitais la région parisienne, en Seine-et-Marne. À cette époque, les étrangers qui n’étaient pas très bien vus étaient les Espagnols. Mais il n’y avait pas de problèmes. Mes grands parents avaient des gardiens qui étaient Portugais. Nous avions peu de contact avec eux. Après, je suis venu à Nice, où j’ai été un étranger. Je ne l’ai pas trop senti. Autre expérience : je suis allé à Alger où un ami de mon père devait me recevoir, mais il n’y avait personne. Des gens nous ont aidés. C’était en plein ramadan, et il était difficile de trouver un logement. Quelqu’un qui travaillait à Air France m’a proposé de me loger. J’ai très bien été reçu. J’ai tout de même préféré rentrer. La ville d’Alger était un peu sale, mais les gens ont été sympas. Expérience HP avec les Indiens que l’on considère comme des preneurs de travail. Ils sont peu expérimentés. Expérience au Club Med à Dakar, où j’avais sympathisé avec un cuisinier. Avec un étranger, si on a une passion commune, ça aide. Je lui avais amené du poisson et des langoustes. Il me les avait fait griller. J’avais un peu peur de l’hygiène, mais c’était très amical. Je pense aussi qu’il y a trop d’Anglais à Valbonne. Je peux comprendre les gens dans les cités qui se sentent envahis, mais ce n’est pas mon expérience. Sinon, j’adore la cuisine étrangère, qui est aussi un excellent moyen d’échange. Pour finir, j’ai bien aimé les Italiennes.

Ce que j’attends le plus quand je vais à l’étranger, c’est d’y être intégré. En Écosse, il y avait de beaux paysages, mais je me souviens surtout des moments d’échange avec les gens. À Tahiti, je me souviens des Tahitiens qui m’avaient invité à ramer dans des pirogues, lors des entraînements pour la fête de juillet (tiurai). Quand j’entends parler des problèmes d’intégration en France, je me dis qu’il y a des personnes qui attendent d’être intégrées. Mes peurs : elles se situent au niveau des différences de culture, de l’hygiène, du brouhaha, de la saleté. Tout cela me fait peur. Ce qui me fait peur, c’est quand il y a trop de décalage au niveau hygiène. C’est ce qui me fait peur au Maroc, où je vais probablement être invité chez l’habitant, où je vais manger des choses que je ne vais pas forcément supporter. Ma plus grande inquiétude, c’est qu’il n’y ait plus d’étranger. Carrefour veut s’installer en Inde. Ma peur est que les étrangers fassent comme nous, et que la différence n’existe plus. Aujourd’hui, je n’ai pas l’impression de côtoyer des étrangers, ça me passe à côté, même si je suis informé de leur présence.

Ma grand-mère est une femme généreuse, très pieuse, qui m’a appris l’importance des autres, l’ouverture vers les autres. Je me souviens l’époque où elle commentait le mariage d’une de ses petites cousines avec un noir : « mais tu sais, il est vraiment noir quand même…». J’avais trouvé cela très paradoxal, qu’une femme aimant tant les autres puisse dire quelque chose comme cela. Mais j’ai compris que c’était culturel : nous pouvons aimer les autres, être généreux, avoir de la compassion, mais nous avons nos limites propres.

Je me souviens de mon voyage en Tunisie, chez mon ami Mus. Nous étions venus habiter chez lui à 5, et il n’avait pas prévenu sa mère. Nous avons été très très bien reçus par cette femme. J’avais été très malade, et elle m’avait veillé 2 nuits, m’avait acheté de la viande, ce qu’elle faisait très rarement pour elle. J’ai un souvenir très ému de ça.

Je me souviens aussi de mon séjour aux Comores. Avec mon frère, nous avions sympathisé avec des copains Comoriens, très pauvres, vêtus simplement d’un short, sans rien d’autre. L’un d’eux avait un lance-pierre en fer que je trouvais tellement magnifique, que je n’ai pu m’empêcher de lui demander : « Tu me le donnes ?». Avec un grand détachement, il m’a donné son lance-pierre, à moi, l’occidental riche, habitant dans une grande maison remplie de jouets. Par la suite, j’ai également donné ce lance-pierre à quelqu’un qui le trouvait très beau.

Cela a été une grande leçon que j’ai reçue là.

Les étrangers, c’est surtout de l’enrichissement pour moi, pas de peur.

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