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Suite  à  l'émotion suscitée dans notre société française par  l'histoire si douloureuse de Chantal Sébire, quelle est ma position, en rapport avec mon expérience, sur ce que  l'on appelle "euthanasie, aide au suicide, mort dans la dignité, soins palliatifs..." ?

Aix-en-Provence, 12 mai 2008

9 présents

Je vous donne d’abord des définitions précises des termes tels que mort, vie, euthanasie, acharnement thérapeutique, respect du patient, soins palliatifs. J’attire aussi votre attention sur la loi Leonetti du 22 avril 2005, encore trop mal connue, et sur la « personne référente » que chacun doit choisir pour décider en son nom, avant de ne plus en avoir la capacité.

Voici maintenant mes témoignages vécus de médecin psychiatre :

- une patiente atteinte d'une insuffisance cardiaque et rénale, souffre en plus d'une hyperthyroïdie. Il n'a pas été question de lui donner la mort.

- une dame m'a demandé de l’aider à faire un bilan de vie pour prendre une décision ; ça m'a fait un curieux effet !

 

 

Il y a 42 ans, j'étais infirmière et je me suis occupée d'un malade atteint aux deux poumons d'un cancer. Il avait un cocktail de morphine et de 4 autres substances à recevoir toutes les deux heures pour atténuer ses souffrances.

Ses yeux demandaient la mort. Pourquoi je ne l'ai pas fait ? C'est parce que c'est donner la mort ! Il fallait simplement la regarder avec beaucoup d’amour.

Après avoir personnellement failli partir au Ciel à plusieurs reprises, je tiens tellement à la vie !

Lorsqu'on accompagne quelqu'un en fin de vie, il nous apporte encore quelque chose.

 

 

J'ai donné un certificat de décès pour une patiente atteinte d'Alzheimer depuis plusieurs années et qui vivait au domicile de sa fille, qui voulait lui fermer les yeux le moment venu. Elle a été perfusée chez elle, elle est tombée dans le coma et puis elle est décédée. La fille s'en voulait de la douleur dont souffrait sa maman.

 

 

Maman a de gros problèmes pulmonaires depuis quelque temps. Nous ne voulons pas d'acharnement thérapeutique. Nous savons que nous allons être malheureux. Mais c'est comme ça.

Je n'ai pas de témoignage concernant l'euthanasie ou le suicide assisté.

 

 

Avec mes frères, nous sommes angoissés  par maman qui souhaite "disparaître" par un suicide assisté. Ça ne me convient pas. Je ne vois pas les avantages de cette démarche. Le suicide assisté n'est pas raisonné, il n'y a pas de législation. Un sujet d'actualité fait qu'il semble devenir rationnel. Ça me fait peur et j'ai honte de cette société, globalement.

 

Je vis ça aussi, avec une épée de Damoclès relative à ma mère. Elle a assisté son père atteint d'un cancer et n'a jamais accepté son agonie. Elle envisage de mettre fin à ses jours parce qu'elle ne veut pas être dépendante. Quand j'ai été étudiant « veto », elle m'a dit : "tu vas pouvoir me donner ce que je veux". Je sais qu'elle a ce qu'il faut à la maison. Je suis moins catégorique que mon prédécesseur, j'aimerais qu'elle nous prévienne avant, pour qu'on puisse la visiter lors de ses derniers jours.

Pour moi, c'est une question qui ne s'est pas posée, mais mon fils est mort à 7 ans d’un cancer au cerveau. C'est insupportable de voir son enfant souffrir. La seule attitude est la confiance.

J’ai été amenée à souhaiter la mort de mon fils, parce qu'il n'y avait plus d'espoir. C'est terrible à vivre.

Je peux comprendre que certains donnent la mort à ceux qu'ils aiment.

 

 

Mes deux parents ont eu une longue agonie, mais le problème de l'euthanasie ne s'est pas posé, heureusement. L'essentiel serait de pouvoir affirmer scientifiquement que le mourant souffre. Si c'est le cas, si tous les antalgiques ont été inefficaces, s'il n'y a absolument plus d'espoir (et bien sûr à fortiori dans le cas d'une mort clinique), il faut pouvoir abréger la vie, mais qui le fera ? Et comment ?

L'idéal serait d'avoir le courage et la possibilité de se supprimer soi-même, quand on estime que ce qui nous reste à vivre est atroce et sans intérêt.

Les progrès scientifiques doivent mettre à notre disposition une mort douce. Mais même dans ce cas, je crois que je n'en serai pas capable.

 

« Vivre ensemble » c’est aussi mourir puisque la mort fait partie de la vie !

Proche des animaux, notre éthique paysanne était de ne jamais laisser souffrir un animal inutilement (on le soigne ou on le tue).

Dans le cas d'un animal proche, comme le chien compagnon de travail et de jeux, "l'ultime cadeau" devait être fait par l'ami le plus proche, par respect pour cette amitié. Si cela s'avérait trop éprouvant, on demandait l'aide d'un autre, mais on était là pour tenir la patte. J'ai personnellement "euthanasié" par balle deux de nos chiens, plus un autre pour un ami...qui était à mes côtés. Ce qui était barbare, pour nous, c'était de le faire abattre par un inconnu, fût-il vétérinaire !

Vers mes 10-11 ans, le grand-père que je m'étais adopté est mort dans d'atroces souffrances ; il a hurlé de douleur pendant dix jours (cancer de la prostate). Avec mes frères, nous ne comprenions pas qu'aucun adulte ne lui offre le "cadeau ultime". Avec l'un d'eux, nous nous sommes mutuellement engagés pour s'aider....en cas de demande de l'un de nous.

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