AIX-EN-PROVENCE

MES RESSORTS (OU MES MOTEURS) DE JOIE

Aix-en-Provence, 18 novembre 2013

 

14 présents

 

La plupart du temps, je ne m’attends pas à éprouver de la joie. J’ai parfois des bouffées de joie qui provoquent un élan, par exemple devant un bon film, une sculpture qui donne une impression de mouvement, et récemment à la messe, lorsque les enfants ont initié le partage du signe de paix. La diffusion dans l’assemblée a généré en moi un très fort ressenti de joie.

 

Ma joie c’est d’abord chaque jour être en vie au réveil, après 4 épisodes qui auraient pu être fatals. C’est aussi la beauté, quelle qu’en soit la nature : un regard, un sourire, les couchers de soleil, les couleurs d’automne, une conférence d’un philosophe, etc.

 

J’assimile la joie au rire. J’éprouve de la joie quand je plaisante, par exemple quand on se fait passer des blagues entre collègues au cours d’une réunion de travail sérieuse. Mes ressorts de joie sont ma guitare – quand j’ai le blues – les sorties en mer, la rénovation de mon bateau, la voltige aérienne, les voyages avec mon épouse. J’exprime peu ma joie et j’ai besoin des autres pour rire. J’aimerais être plus joyeux et j’attends vos témoignages.

 

Dans l’enfance, j’avais de la joie quand mon père jouait du violon à la veille de Noël puis je trouvais des papillotes dans mes galoches ; ensuite quand j’apprenais à travailler à la ferme comme les grands.

 

Dans ma formation la joie vint de la découverte de l’inconnu – comme l’algèbre – le contact avec les animaux des terres australes et le sentiment d’avoir compris les choses, notamment l’électricité.

 

Dans la vie en communauté, ce fut la satisfaction du travail fait ensemble et l’engagement de mon équipe, la beauté des sommets, les descentes à ski.

 

En famille : le rire de mon épouse, qui me réjouit plus que le spectacle, la soutenance de thèse de médecine d’un de mes fils.

 

Comme senior : mes enfants, nos réalisations, notre trace dans le cœur des autres, la perspective d’expérimenter ensuite un autre monde, après la mort.

J’ai éprouvé de la joie lors des marques de reconnaissance de mes capacités (photo, bricolage, maquettes, initiatives professionnelles). Je jubile lorsque je vois le bon sens et la justice triompher, alors que dans notre société nous subissons manipulation, instrumentalisation, mensonge, fraude de la part des puissants, etc.

 

J’ai grand plaisir à donner mon expérience à d’autres (mon ancien métier, les automobiles anciennes) et de voir ceux-ci l’exploiter, notamment des jeunes et brillantes personnes. Joie également à la naissance de mes enfants, et lors de leurs réussites importantes (la thèse de médecine de ma fille). Joie aussi de retrouver mon épouse le soir, après son travail.

 

Je n’ai pas éprouvé de joie quand j’ai obtenu mon bac ni dans mes études supérieures, mais quand j’ai commuté sur la plongée sous-marine. La joie me fait venir les larmes. En plongée, j’ai l’impression de ne pas pouvoir être mieux. Mes autres ressorts de joie sont la beauté de la nature, le réveil en bivouac, la musique (classique ou Pink Floyd – qui me met en transe à chaque concert), la réussite de mes amis.

 

J’éprouve des joies simples : le matin au petit déjeuner sur la terrasse quand j’écoute les oiseaux qui communiquent entre eux, quand je regarde pousser les fleurs de notre jardin, lors de balades en montagne, les jeux de mots de mon mari, le rire des autres qui les ramène à leur âme d’enfant, les cadeaux : des musiques nouvelles, un gong, qui est pour moi comme un soleil.

 

J’ai un caractère joyeux et optimiste. Après de longues péripéties (problèmes de couple, chômage, maladie grave de mon frère), je savoure maintenant chaque instant de la vie en me focalisant sur ma compagne et sur mon fils, que je retrouve. J’éprouve une grande joie à l’entendre au téléphone et à l’aider dans son travail.

 

J’avais la joie dans mon travail d’entrepreneur ; j’ai aujourd’hui la joie de voir le paysage de chez moi sous le soleil et de m’occuper des petits enfants de ma compagne.

 

J’ai un caractère plutôt gai. Les traits d’humour me font éclater de rire. J’ai éprouvé une grande joie quand on m’a fait confiance dans mes missions : jeune, de me voir confier le rôle d’Antigone au théâtre ; adulte, d’avoir des responsabilités en catéchèse et à l’évêché et m’être découvert des capacités que je ne me connaissais pas. J’éprouve aussi de la joie lorsque je retrouve des traces du passé (retrouvailles de copines d’école, réunions avec ma « tribu » de frères et sœurs, lettres d’aïeux). Joie également avec le présent et l’avenir (regards de connivence avec mes enfants et petits-enfants, découverte de leur affection non dite, fusionnement familial quand mon mari était dans le coma).

 

La joie peut intervenir à tous niveaux : constater que tout va bien au présent, que la voiture marche, mettre en œuvre mon outil de travail, faire des trouvailles dans mon travail, savoir que j’aurai du temps pour faire des choses (j’ai 28 ans), être bien avec mon entourage, rire, déconner, éprouver de la reconnaissance quand je fais rire.

 

Je pense que joie et bonheur font une paire, comme plaisir et gaîté. J’ai eu de la joie quand, militaire en Allemagne, j’ai reçu un ordre de mutation à Aix en Provence. La musique et mon métier de professeur de lettres m’ont apporté beaucoup de satisfaction et d’énergie. Mais depuis l’âge de 4 ans, quand j’ai appris que j’étais mortel comme les autres, je ne peux pas éprouver de joie intense et c’est dur de vieillir seul et athée et avec de surcroît une santé faillible. J’essaye d’appliquer la philosophie bouddhiste de vivre au présent, mais c’est très difficile.

 

Mes joies sont essentiellement liées à la relation et la reconnaissance dans mon travail. Mais j’ai des difficultés dans la relation avec mes amis – ce que je me reproche – car je vais les voir trop tard, lorsqu’ils sont devenus malades.

 

Mes petits-enfants me procurent de la joie, ainsi que – curieusement, ce qui m’étonne toujours – certaines nouveautés scientifiques. Par exemple, après avoir appris étudiant les découvertes sur l’ADN, le changement de paradigme entre la génétique et l’épi génétique me provoque une joie intense et pure.

Je lie joie et émotion. J’éprouve de la joie lors de la réussite d’un projet professionnel et la reconnaissance d’atteinte d’objectifs, lorsque je vois de la lumière dans les yeux d’un enfant, quand je suis baigné dans la nature par ce qu’elle a de grandiose, quand je prends le petit déjeuner à la maison avec les écureuils autour de moi.

 

Je fais la distinction entre joie et bonheur. La joie illumine ponctuellement, et le bonheur est l’ensemble des joies au cours du temps. C’est l’état d’esprit qui permet d’avoir de la joie, par exemple quand je me prédispose à voir le monde différemment. J’ai la joie d’observer que nos enseignements à nos enfants ont porté leurs fruits ; joie de réminiscences de l’enfance à l’occasion de promenades avec mes parents, joie d’avoir fait une longue marche, alors que je n’étais pas marcheuse, à danser le tango. Quand on y regarde bien, il y a plein d’instants de bonheur, même dans des périodes douloureuses.

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