MON EXPÉRIENCE DE L’ENGAGEMENT CITOYEN

MON PROPRE ENGAGEMENT

Aix-en-Provence, 13 février 2017

11 présents


Je fais une distinction entre les actes, qui peuvent être ponctuels, et l’engagement, qui implique de partir dans une voie, sans savoir où elle va mener ni quand et comment on peut s’arrêter. Je ne suis pas prêt à prendre le paquet idéologique complet d’un parti, et agir par obligation pour ce que je ne crois pas ou ne veux pas. Je me suis engagé une fois à fond dans mon entreprise, dans un axe de progrès auquel j’ai cru. J’y ai donné mon temps, j’ai accepté des situations de stress et des combats difficiles et risqués. J’ai précipité mon départ quand j’ai vu qu’on n’y arriverait pas. Aujourd’hui je reste fier de cet engagement, et je vois avec satisfaction que l’entreprise s’y est mise. Pour faire du bien, il est possible de prendre plein d’actions individuelles ou ponctuelles, sans qu’elles aient le label « engagement » ou « citoyen ». Concernant les gens qui s’engagent, je me pose toujours la question de la motivation principale : service des autres, ambition personnelle, estime de soi ?

 

Je n’ai jamais eu d’engagement quand je travaillais. À la retraite, j’ai eu envie de rendre service à la société et je me suis engagée dans une association d’aide aux chercheurs d’emploi ; j’en tire une satisfaction personnelle grâce à l’attitude des accompagnés et à leur gratitude. Cette association a aussi un rôle de plaidoyer auprès des administrations et gouvernants ; je ne m’y implique pas car je ne me sens pas assez armée pour défendre des idées. Je ne me sens pas non plus d’aller faire des tournées d’aide aux SDF, par peur de la confrontation. Je crois que le lien social est assuré par l’associatif et je crois au développement du coopératif.

 

Ma vie associative a commencé tôt avec mes parents dans l’aide aux prisonniers et aux prostituées. J’ai fait du scoutisme, puis j’ai eu des responsabilités dans des associations, religieuses, d’esthéticiennes, de parents d’élèves. À Abidjan, lors d’une année scolaire blanche, j’ai organisé les cours des expatriés français à la maison jusqu’à ce que le gouvernement français prenne la relève. J’ai coopéré avec la Croix rouge et aidé des gens dans le besoin, mais peut-on appeler ça « citoyen » ? En tant que française à l’étranger, j’ai toujours cherché à contribuer à la représentation de la France. En France, j’ai participé au dépouillement d’élections et je signe des pétitions.

 

Je ne suis pas très engagé. Mon environnement familial n’était pas moteur. J’ai fait mon service national, mais à Tahiti, et rémunéré, quoique peu. Dans ma fonction d’acheteur d’armes, je réponds à ceux qui me défient que ça contribue au développement de la France et au confort des Français. Je suis ému quand je vois de jeunes militaires français partir faire des missions de combat avec les hélicoptères équipés du fruit de mon travail. J’ai été président d’un aéroclub, qui était reconnu d’utilité publique ; j’en conclus que mon engagement a été citoyen.

 

Pour moi un citoyen est quelqu’un qui est engagé dans la cité, donc qui a une action politique et des droits civiques. J’ai toujours été inscrite sur les listes électorales de mes lieux de résidence. J’ai été encartée en parti politique : je n’étais pas satisfaite, parce qu’il y avait obligation de suivre en bloc même si je n’étais pas d’accord sur tout. À l’Éducation nationale, les exigences mutent vers un rôle de référent plus que d’enseignant ; ça s’apparente à un engagement orienté.

Il est difficile de rester neutre et je regrette qu’on ne puisse pas sereinement travailler sur les belles œuvres d’auteurs dont l’orientation idéologique ou politique n’est pas jugée correcte.

Je suis devenue enseignante en 1976 dans l’objectif de faire changer la société notamment par l’égalité des chances. J’ai participé à un mouvement qui nous engageait beaucoup, y compris les dimanches, et je crois qu’on a réussi en partie. J’ai trouvé génial que ma fille vive avec un immigré formé à l’école française ; malheureusement, les modes de vie n’ont pas été compatibles. Je déplore la montée de l’islamisme, qui interdit d’apprendre, alors que l’école permet l’ouverture sur tout. Je viens de m’engager en tant que médiatrice dans un mouvement départemental lié à l’école, qui a pour but de renouer avec la laïcité. À l’enterrement de ma grand-mère, j’ai retrouvé le clan familial et d’amis qui apportaient la solidarité dans les épreuves de la famille, et ça m’a réconfortée. Ce n’est pas du citoyen, mais c’est de l’humain.

 

Je me sens citoyenne du monde, mais pas de ma cité. Mon premier engagement a été de faire et d’éduquer mes enfants. Dans la vie civile, je vote, j’ai animé des groupes d’enfants, j’ai été responsable de bibliothèque, membre de Frères des Hommes. Je pense que s’occuper des autres est un geste citoyen, même pour la catéchèse. Actuellement, je suis peu engagée, mais j’essaye de prolonger avec mes petits-enfants. Je peux mesurer ce que mon engagement m’a apporté.

Ma vie a été jalonnée de rencontres avec des personnes très engagées, ce qui m’a permis de faire des choix. J’ai été particulièrement marqué par des syndicalistes désintéressés qui s’engageaient au service de leurs collègues et par un cadre de banque qui a tout quitté pour ATD quart-monde. Je n’ai pas persévéré dans le syndicalisme et la politique, car déçu du manque de solidarité, des atteintes aux libertés et du risque d’y perdre la mienne. Je me suis engagé longuement pour l’accueil des marins, en relation avec la Mission de France, Emmaüs, l’AMAEPF et l’APMA. Je suis maintenant désengagé de tout, sauf de l’APMA.

 

Le terme d’engagement me pose problème car c’est une promesse dans la durée. D’accord pour ce qui est du mariage, mais mes expériences dans les partis et associations ont été négatives. Au PCF on apportait « la vérité » pour ne pas laisser les gens apprendre par eux-mêmes. À « Nous citoyens » j’ai vu l’association partir en vrille par la tête. L’engagement peut avoir un sens si l’objectif est très précis. Le volontariat a un effet très positif, et l’engagement doit commencer par du volontariat. J’en fais dans le lotissement, ça crée une relation enrichissante.

 

Mes engagements ont été pris pour améliorer des situations : un orphelinat en Argentine, l’éducation des enfants dans une favela au Brésil, les céliaques en France. Dans mon dernier travail, je me suis engagée pour que personne d’autre ne vive le harcèlement moral que j’ai vécu. Ça a été une très dure épreuve pour moi, mais après tout ce qui a été fait, je pense que personne n’aura à souffrir du personnage qui a été la cause de tout ça. J’ai aussi engagé ce combat en mémoire de mon père qui s’était engagé pour un monde meilleur à l’époque de la dictature (argentine).

 

Je ne suis pas militant et ne suis pas dans des associations, mais je me suis efforcé de montrer des exemples justes pour que les lendemains soient meilleurs. Je l’ai fait au Brésil dans la formation d’équipes, et j’ai été gratifié par les retours obtenus. Les retours de mes enfants me donnent satisfaction sur mon implication. Je n’ai pas encore de voies pour ma retraite, mais je sais que ce sera pour que l’avenir soit meilleur.