Aix-en-Provence

Compte-rendu de la réunion du 15 janvier 2018 sur le thème :Partager, donner, recevoir

12 participants

En matière 1) de biens matériels, je ne suis pas très partageur et je donne plutôt modestement. Je suis gêné par des cadeaux importants, car je crains qu’ils marquent un appel en retour à hauteur. En revanche, j’ai refusé le remboursement intégral d’un prêt important à un ami, car il avait contribué au démarrage professionnel de notre fils. 2) d’expérience personnelle, de connaissances et de culture : j’aime donner quand il s’agit de sujets que je crois importants, en essayant de ne pas ennuyer l’autre et de l’éclairer. 3) d’amitié et d’amour : je ne crois pas rendre à hauteur de ce que je peux recevoir. J’ai du mal à aimer inconditionnellement et j’ai besoin de sentir de la réciprocité quand je me livre.

 

Pour moi, partager, donner et recevoir sont un tout, qui est utile et nécessaire à la vie en société. Je crois qu’on est très dépendant de son enfance. A la campagne, chez moi autrefois, ça n’existait pas, sauf pour l’argent et des bijoux pour les proches. J’ai vu en Suède un stagiaire français qui était très perturbé car il ne pouvait pas donner, seulement recevoir. C’est en France et avec mon mari que j’ai appris à donner et recevoir. Les Suédois sont surpris qu’en France on puisse donner sans compter ni attendre de retour. En Suède partager implique « retour égal », sauf pour le bien commun, où là on donne.

 

Partager, c’est être vivant. Paysan, j’aimais contempler le travail fait ensemble. C’est la même chose dans mon centre de recherches et j’ai pu voir que 40 ans après, le résultat du travail fait ensemble est pérenne. Suite à une malfaçon dans ma maison, mon assurance a couvert les réparations tout en retenant une franchise à l’entrepreneur. Trouvant que l’entrepreneur n’avait pas commis de faute volontaire, je lui ai remboursé la moitié du montant de l’indemnisation, au grand dam de mon épouse. Je donne de l’argent aux associations, mais pas aux personnes et j’adhère à 1% tiers monde. J’aime recevoir des cadeaux à condition qu’on m’ait préalablement demandé ce que je voulais.

 

Trois situations : 1) J’ai voulu faire partager ma passion pour l’avion à un père et son fils. Le père et moi avons été très déçus du manque total d’intérêt du garçon. Quand on veut donner, il faut de la réceptivité en face. 2) Je pratique le billard français, je vois que ça passe de mode et je perçois la perte de savoir et d’investissement dans cette activité et qu’il y a beaucoup de personnes prêtes à donner et peu pour recevoir. 3) Ma mère qui quitte sa maison souhaite partager ses biens avec ses petits-enfants, lesquels manifestent peu d’intérêt. Elle n’avait pas proposé ses biens à ses enfants, de peur qu’on les jette. Nous essayons de la convaincre de nous les laisser et j’observe que nous n’avons pas su nous exprimer plus tôt.

 

Même si je pense que les parts du gâteau doivent être égales, j’aime bien avoir la plus grosse. Je donne volontiers en fonction de mes moyens et je ne calcule pas, alors qu’il y a un fond en moi qui me retiens et me met en auto-conflit. J’ai vu à Noel les cadeaux somptueux de la famille à mes nièces et me suis senti humilié de venir avec les mains vides et ne pas pouvoir me mettre au même niveau. Je sais que je ne peux pas rendre à mon ‘père’ de Manosque à hauteur de ce qu’il m’a donné, bien qu’il n’attende rien. En plongée, je donne, car peu payé, je reçois le regard des accompagnés, signe de leur satisfaction d’avoir reçu.

 

Partager me fait difficulté, à la différence de donner et recevoir. Le partage de l’héritage a été difficile et il a fallu trouver une méthode pour éviter une déchirure de la fratrie. La force de l’affectif est cause de la difficulté. Je donne les robes que je ne porte plus, sauf celles derrière lesquelles il y a une charge affective. Pour moi, c’est la valeur affective qui compte dans le donner/recevoir. Quand je donne, c’est sans attente de retour. J’ai du mal à donner dans la rue, bien que ça me donne mauvaise conscience. J’adore recevoir des cadeaux, même s’ils sont mal ciblés.

 

Je crois qu’on ne sait donner que ce qu’on a reçu. Petite j’avais beaucoup de cadeaux, qui visaient à compenser le manque de présence maternelle et d’amour. Donner ne me fait pas souci, et j’aime donner des choses qui me plaisent. J’adore recevoir, mais quand il s’agit d’un cadeau de valeur, je préfère choisir moi-même. Il faut se demander ce qu’on a envie de transmettre à ses petits-enfants; je n’ai pas encore trouvé la réponse.

 

Donner me semblait plus facile que recevoir. J’avais l’impression de compenser mon manque de moyens par le temps passé à un ouvrage de broderie. Je trouve difficile de donner à bon escient. Je suis parfois surprise du très bon retour d’un récipiendaire. Mes filles refusent de porter un bijou de famille car il vient d’un mort. Je situe le donner/recevoir dans l’immédiateté, le partage dans le temps. C’est pour ça que j’aime mon travail même si je ne suis pas certaine du résultat. J’ai eu en différé un retour très positif, d’un élève chahuteur en qui je ne croyais pas.

 

J’ai peu donné matériellement, et je ne veux pas donner à quelqu’un qui fait la manche tous les midis à l’église. Pour les passions, visions et valeurs, j’ai beaucoup partagé et je vois que les retours sont surprenants et peuvent venir tardivement et inopinément. Recevoir des choses matérielles me plait ou non, selon le cas, mais ce que je reçois dans le domaine de l’humain murit et me transforme sans que je m’en rende compte immédiatement. J’accorde peu de valeur au partage/don/recevoir matériel, et j’en accorde beaucoup à l’humain. C’est beaucoup plus fort, mais incertain.

 

J’ai passé 3 mois en Argentine pour m’occuper de ma mère malade, c’était la 3ème fois de l’année. À la clinique on m’a dit : ah, vous êtes à nouveau à vos obligations ! J’ai répondu non, que c’était du don mûri. Là-bas, j’ai reçu des bons gestes et les partages de petits déjeuners. Ma fille s’est occupée à distance des cadeaux de Noël ; ce fut un bienfait pour moi. Mon fils cadet est toujours prêt à donner son sandwich spécial sans gluten à un SDF. Dans le foyer où il réside, il aidé à recharger le téléphone d’un SDF, ce qui a causé la fureur des dominicains puis un durcissement du règlement intérieur. Il vient de nous convaincre de prêter de l’argent à une amie étudiante pauvre pour qu’elle remplace son ordinateur cassé.

 

C’est un cadeau de recevoir vos témoignages. Mon père partageait alors que nous avions très peu. Je me rappelle maintenant qu’ils ont fait des sacrifices pour me payer des leçons de piano avec un grand professeur.

Le partage me ramène à la cuisine et à ma mère qui cuisinait très bien. Il n’y a guère eu de partage avec mon père. Ma mère était très généreuse dans sa façon de faire la cuisine, et ça m’est resté. C’est un peu obsessionnel chez moi. Évidemment, le fait que je mange ce que j’ai fait compte. Il n’y a pas vraiment de don.