Aix-en-Provence

Compte-rendu de la réunion du 12 février 2018 sur le thème :Ce que j’essaye de ne pas transmettre

14 participants

 

 

Ce que j’aimerais transmettre, c’est mon amour de la vie. Il est inconditionnel en dépit de mes soucis de santé et du pessimisme ambiant. Je suis émerveillée chaque matin de voir la nature, et je pense que quand je ne m’émerveillerai plus, c’est que je serai au bout.

 

Ce n’est pas un questionnement facile. Avec les étudiants, j’ai essayé de ne pas transmettre 1) ce qui m’a freinée dans la relation à l’autre, le mépris de ceux qui ont eu moins de chance. J’ai essayé de faire la distinction entre le fond de la personne et son attitude. J’essaye de ne pas transmettre: 2) le sentiment de honte devant des gens plus importants ou plus à l’aise, car la honte est un frein, 3) la mémoire les vieilles injustices et rancunes familiales, 4) la peur panique, car elle ne résout rien alors qu’il y a toujours moyen de faire, 5) l’envie, la jalousie. Je travaille le sentiment de peur panique de mon petit-fils devant ses devoirs d’école, et je pense que ça marche.

 

J’ai échoué sur deux points : 1) le rapport à l’argent : mes filles ont un rapport complexe à l’argent, à la différence de ce que j’ai essayé de leur inculquer. Mais j’ai réussi à corriger des mauvais calculs de la part d’une d’elles. 2) l’équilibre de la famille : j’ai essayé de mettre toutes mes filles à égalité et l’une d’elles ne le reconnait pas.

 

Je ne voulais pas transmettre ma myopie, et mes filles sont toutes myopes. Ayant eu horreur des discussions d’argent de mes aïeules, j’ai mis ces questions sous le tapis, et ça semble n’avoir pas marché avec mes filles. Pour épargner mes filles, je ne leur ai pas parlé à de mes conflits avec ma mère sur son infidélité conjugale, et je pense que ça n’a rien apporté.

 

En tant que moniteur de plongée, j’ai essayé de montrer que c’est facile et de dédramatiser les situations. Je lutte contre des réflexes hérités de mon père qui était misogyne, dénigrant les femmes et les professions ‘inférieures’. Je garde en exemple une réaction extrêmement négative de sa part envers une nièce qui s’était mise en couple avec un garçon comorien et musulman. Je considère illusoire de vouloir résister à la transmission d’informations personnelles via Google / autres et j’en suis dépité.

 

Par configuration psychologique et entrainement professionnel à la protection du secret, j’essaye toujours d’éviter des communications mal contrôlées. Je ne transmets des choses sensibles qu’aux personnes en qui j’ai confiance. J’essaye de ne pas transmettre virus, microbes, et perceptions pessimistes. Mais je pense qu’une analyse objective ou critique sur des choses négatives n’est pas négative. Je l’exprime, et vois que ce n’est pas toujours bien reçu. J’essaye de dire le minimum utile sur l’état de santé des gens, car je pense que le secret médial s’applique à tous, et que le risque de dissémination, de déformation et d’exploitation est grand. Je limite et contrôle tout ce que je laisse sur les sites internet, forums, etc…, en excluant tout ce qui est intime. Je vois bien que je suis ‘profilé’ par toutes mes visites sur le web, mais quel profil ai-je alors que j’y vais soit par curiosité, soit par implication, soit pour étudier un sujet, ou simplement parce que j’ai laissé quelqu’un regarder de mon ordinateur ?

 

Je manque peut-être de modestie, mais je vois surtout un aspect positif à la transmission. Je crois bon de ne pas transmettre la tendance de ma mère aux jugements hâtifs, car je n’ai pas de fille. Après m’être beaucoup questionnée, j’ai quand même décidé de faire un commentaire à ma petite fille sur une vilaine tenue provoquante qu’elle portait. Je ne souhaiterais pas transmettre la peur du jugement de l’autre. Je pense que les aspects négatifs des choses peuvent induire du positif. Je suis persuadée que je ne peux pas transmettre ma foi, et je n’y peux rien.

La transmission est inconsciente. Je transmets le goût de la cuisine sans l’avoir cherché. Je ne veux pas transmettre la souffrance d’avoir une famille éclatée entre deux pays aussi lointains que les miens. Si les soucis d’aujourd’hui étaient arrivés à l’époque où j’ai quitté mon pays d’origine, j’aurais fait la même chose, et c’est ça que je veux transmettre à mes enfants.

 

À un moment de ma vie professionnelle, après une période d’ambitions élevées je me suis sentie libre de mon comportement et pense avoir atteint une maturité ; je me suis employée à pointer les mauvais comportements pour éviter à mes collègues de tomber dedans. Côté famille, la famille était complètement décousue de mon côté et restreinte du côté de mon mari. J’aurais voulu transmettre un esprit de famille et je vois que mes enfants suivent le modèle de leurs aînés. Je pense qu’il est très difficile de ne pas transmettre ce qu’on est.

 

Sur ce qu’on transmet ou ne transmet pas, je ne sais pas et je ne suis pas sûr qu’on puisse avoir une maîtrise. Je crois que c’est l’exemple donné qui est le vecteur le plus fort dans la transmission, et je m’y suis employé. J’ai trois enfants très différents qui se construisent eux-mêmes et prennent quand même des morceaux de ce que je n’ai pas souhaité transmettre. Au travail, on transmet sa personnalité à l’environnement quoi qu’on veuille, mais que faire? Sur internet, je fais profil bas, mais je mesure l’incapacité de me protéger.

 

Ce que je ne veux pas transmettre, je ne vous le dirai évidemment pas. Le prêtre Jean VOLOT, qui ne parlait jamais de religion était soutenu par des ‘bouffeurs de curés’, ce qui montre la valeur de l’exemple et de la parole. Il est important de réfléchir avant d’agir, puis d’agir avec soin. Les problèmes rencontrés sont souvent dus à une mauvaise communication. En communication électronique, je n’accepte que le courriel.

Je retransmets des blagues quand j’en ai envie. Je considère que les systèmes qui contraignent à des messages courts sont une catastrophe. Je trouve que la plupart des modes sont à fuir: fêtes, nourriture, tatouage. Je ne comprends pas comment elles peuvent se transmettre. Même chose pour les arnaques officielles sur les énergies (éoliennes, gazole,…). Ce que je voudrais transmettre, c’est le respect du travail et la volonté de faire librement son choix de vie.

 

Je n’ai jamais véritablement parlé avec mon père, et je n’ai pas voulu transmettre à mes enfants la souffrance qui a été la mienne. Mais je l’ai quand même un peu transmis à mon fils, qui a du mal à exprimer ses ressentis. Grâce à une maladie qu’il a eue récemment, j’ai pu avoir plus d’échanges avec lui. Pour un intellectuel, c’est un peu vexant de voir qu’on transmet quand même des choses qu’on ne voudrait pas.

 

Je n’étais pas favorable au thème, mais j’ai eu des résonances en écoutant les témoignages :

1) au départ d’un aïeul, ma sœur et moi avons détecté la manœuvre d’une parente qui voulait morceler la famille. Nous nous sommes entendues pour ne pas la retransmettre et je crois que nous avons réussi.

2) l’éloignement des enfants outre Atlantique est une difficulté pour moi. Pourtant, j’ai fait ça aussi, aux USA, et mes parents n’ont rien dit.

J’ai voulu ne pas retransmettre le stress professionnel et le risque de dépression associé, et je pense avoir réussi. Je pense aussi qu’on peut transmettre sans le vouloir ni en être conscient, par des mots qui touchent, qui sont mal employés ou déplacés, et qui peuvent blesser.