quand je me retourne, qu’est-ce que je vois ?

les erreurs qui m’ont fait progresser.

Aix-en-Provence le 17 décembre 2010

 

11 présents

 

- Je ne vois que des échecs. Chaque fois que je commençais quelque chose, je fonçais tête baissée, et allais droit à l’échec. Ensuite, je recommençais, et l’échec se transformait en réussite. Ce fut le cas même pour mon mariage et pour l’éducation des enfants. Ainsi, en m’y reprenant, je progresse. La « session de rattrapage » est permise dans notre société, ouverte au pardon qu’enseigne le christianisme.

 - J’ai eu beaucoup d’échecs : études vétérinaires avortées, magasin de plongée abandonné de force… Ce que j’adore, c’est la plongée, mais elle ne fait pas vivre son homme toute l’année. L’informatique n’a été pour moi qu’un moyen de survivre sur le plan matériel. Mais ces échecs m’ont fait progresser sur le plan humain : ouverture aux autres, et indulgence à leur égard.

 - Je n’aime pas me retourner vers le passé, et préfère l’avenir. Je n’ai ni rancune, ni regret, ni remords. Mais je reconnais que le passé nous construit. Je n’aime pas les conflits et me plais dans le rôle de médiateur. Ce qui m’intéresse, c’est ce qui favorise la vie. J’ai du mal à comprendre les déprimés. Il faut sortir de l’enfermement en soi-même. J’essaye de comprendre l’autre et je le respecte. Mais personnellement, j’évite de ressasser les échecs ou les déceptions, ce qui m’empêcherait de vivre. Pendant mes années de formation, on m’a fait confiance, et c’est ce que j’essaie de reproduire.

 - Quand je me retourne et envisage l’Histoire que j’ai vécue, je vois une planète Terre, cadeau extraordinaire du dieu Hasard, qui ne supportait que deux milliards d’individus, et plus de six actuellement, qui était saine et se trouve maintenant saccagée, je vois un pays qui s’est relevé de l’humiliation et des horreurs de la guerre, qui a progressé de façon spectaculaire sur le plan matériel, et régressé de façon spectaculaire sur le plan moral et intellectuel. La menace nucléaire existe toujours, la tyrannie communiste semble morte (mais cet échec a conduit au n’importe quoi libertaire), le terrorisme progresse ; question : quand je me « tourne » vers l’avenir, qu’est-ce que je vois ?

 - Je n’ai pas l’impression d’avoir connu beaucoup d’échecs. J’étais une élève médiocre, et me suis dirigée vers les mathématiques pour échapper au contrôle de ma mère. Le plus grave jusqu’à présent a été la maladie de ma fille aînée, dont la toxoplasmose oculaire n’a été diagnostiquée qu’au bout d’une dizaine d’années d’erreurs médicales. Mon divorce n’a pas été un échec, au contraire. Tout ce que j’ai rencontré comme difficultés m’a aidée à mûrir.

 - Quand je me retourne, je vois des choses contrastées. J’ai eu une éducation stricte, et regrette de ne m’être pas rebellé. Jusqu’à la quarantaine, je me suis consacré à la vie professionnelle. Ma plus belle aventure a été, ensuite, mon mariage. Je suis doublement heureux d’être père : de notre fille, et de la première fille de ma femme.

 - J’ai connu des échecs sur le plan sentimental, mais ils m’ont conduit à un mariage heureux. En revanche, en tant que médecin généraliste, malgré quelques erreurs de diagnostic sans gravité, je regrette presque de n’avoir pas vécu d’échec retentissant qui m’aurait beaucoup appris. Mais sur le plan idéologique, le communisme, quel échec !

 - Je regrette de n’avoir pas pu faire de longues études, mais j’ai été mariée à 19 ans, et mère à 20… Ce qui m’a pesé, c’est l’autoritarisme de ma mère, dont je craignais le jugement même une fois mariée. Je me reproche un peu d’avoir quelquefois manqué de patience vis-à-vis de mes enfants, mais d’une façon générale j’ai eu une vie sans gros problème.

 - Quand je me retourne, je vois deux divorces, et l’épreuve du chômage. Pourtant, j’ai créé deux entreprises, n’ayant jamais accepté d’être soumis à un patron. Je me reproche de n’avoir pas été assez proche de mon propre fils quand je vivais avec ma deuxième femme et quand je m’occupais de son fils. Mais la rencontre avec ma compagne actuelle m’a apporté la sérénité et les relations avec mon fils sont maintenant apaisées. Je doute que les erreurs fassent toutes progresser. Il faut santé, et chance. Tout vient des rencontres. Maintenant, je suis tourné vers l’avenir. Je n’aurais pas de petits-enfants, mais tant pis…

 - Je sais l’importance du pardon, mais dans certains cas, celui-ci m’est bien difficile. Je me rappelle ma petite enfance avec des grands-parents affectueux. Me voici grand-mère maintenant, et cela m’émeut beaucoup.

 - J’estime avoir eu beaucoup de chance. J’ai eu une vie aventureuse, avec des virages non programmés. Une enfance rude, dans un pays en pente, où tout travail se faisait à la main. Une carrière d’expert, réclamé même aux USA et en Chine. Le drame d’un enfant mort, mais paradoxalement cet « échec » nous a fait progresser, par la découverte de la solidarité humaine, fleurs sur le fumier de Job.