Vivre ensemble

La Riche (Tours), 19 avril 2008

11 présents

*Je suis en permanence questionné par trois points de vue qui se télescopent en permanence et posent des interrogations de plus en plus vives devant la complexité de la vie :

-        une fascination par l’immensité de l’Univers  et par l’accroissement des connaissances en astrophysique qui évoluent en permanence

-        parallèlement, l’homme est un infiniment petit, avec son corps qui n’est qu’un point dans l’Univers, empêtré dans ses relations quotidiennes à l’autre et dans des conflits permanents

-        le Christ nous a laissé un ensemble de connaissances sur l’humain qui n’ont jamais été dépassées depuis et qui devraient nous aider dans cette compréhension.

Beaucoup de questions qui me travaillent et s’amplifient devant la violence de l’Univers.

*Moi, je vois les choses plus du côté du ponctuel. Je suis interrogée par la difficulté du vivre ensemble. Désordres et conflits sont des pentes naturelles pour l’homme. Quels actes est-ce que je pose, moi, pour respecter l’autre différent et me faire respecter de lui, dans les situations difficiles ? Martin Hirsch : « pour sortir quelqu’un d’une impasse, il faut neuf personnes », d’où l’importance de cette chaîne humaine : on ne peut agir seuls. C’est une belle leçon d’humilité.

*Je me situe plus du côté de l’infiniment petit. Vivre ensemble est compliqué, mais cela commence par de petits gestes, dire bonjour… Au travail, les gens vont de plus en plus mal. Importance de garder la disponibilité pour donner un peu d’espace de vie à chaque personne qui travaille avec moi.

C’est de plus en plus difficile de vivre ensemble, mais il y a aussi de grands moments d’amitié. Plus de gestes fraternels quotidiens et moins de grands discours …

Il est nécessaire de savoir dire non dans le vivre ensemble, c’est parfois plus difficile.  Nous sommes trop marqués par une éducation chrétienne « non ajustée ». Vivre ensemble n’est pas toujours fait de belles choses, et avec de bonnes intentions, on fait parfois du mal. Avoir un souci de vérité, de relations vraies dans la durée.

*Vivre ensemble est indispensable, mais on a de moins en moins de temps pour cela dans la vie professionnelle, du fait du découpage des tâches, et dans la vie privée.  J’essaie de trouver des espaces de temps pour la relation avec mes proches et mes collègues.

Au Japon, il y a un art de vivre ensemble au travail. Ils ont un rythme de travail plus lent où ils gardent du temps pour la relation.

J’éprouve une vraie déception du côté de l’Église catholique qui ne nous apporte pas suffisamment de points d’ancrage. Les catholiques ne se rassemblent pas sur des valeurs communes dans une société où le vivre ensemble devient difficile pour tous. Pourquoi avons-nous tant de mal à vivre en Église ? J’ai l’impression d’un immense gâchis. Beaucoup d’initiatives individuelles sont masquées par des guerres politiques au sein de l’Église. Les chrétiens sont prêts à sauver le monde, mais ont du mal à donner un coup de main à côté de chez eux.

L’Église se positionne contre l’IVG et l’on est incapable d’être là pour aider une mère à garder son enfant.

*L’homme est par essence un être social, même si on peut constater une différence entre « l’homme des villes » et « l’homme des champs ».

L’homme n’est qu’une étape dans l’évolution des espèces. La mort est un aboutissement, pas une angoisse pour moi, la souffrance au contraire, oui, est une angoisse. J’ai une foi du charbonnier qui me rassure. Je cherche actuellement à entrer dans une vie monastique, c’est une école d’humilité.

Une grande partie de l’humanité fait fausse route en ne regardant pas les autres. Vivre avec l’autre, c’est faire confiance et se détacher pour aller à l’essentiel.

*Moi, je suis plus cartésien. La vie, c’est le big bang. De la vie dans les galaxies, on ne sait encore rien. La vie sur terre est constituée des humains, mais aussi des animaux et des végétaux. C’est l’ensemble des êtres vivants qu’il faut respecter parce qu’ils nous permettent de vivre ensemble. Je ne crois pas à la vie dans l’au-delà, puisqu’il n’y a pas d’évidence.

Les humains se sont toujours mis en groupe, on a créé des structures sociales pour pouvoir vivre ensemble, avec des règles : famille, couples, armée.  On est tous d’accord pour vivre ensemble, mais pas avec n’importe qui. Le partage est nécessaire pour une vie sociale, mais cela reste une utopie à l’échelon mondial.

*Vivre ensemble n’est pas toujours évident, même en couple, mais on s’accommode. Je suis stupéfaite de voir des couples se séparer 2 ou 3 ans aprèsla retraite. Il semble y avoir une crainte de vieillir ensemble, parce qu’on n’a plus de statut social. Il est important de se redéfinir à la retraite : crise existentielle individuelle qui se joue en couple. Il faut pouvoir répondre à la question «  comment allons-nous aborder les 20 ans qui viennent ? » et redéfinir notre relation.

Les gens sont de plus en plus individualistes, il y a moins de transmissions : les générations s’en vont et il ne reste pas grand-chose d’elles, contrairement aux grandes civilisations.

*Vivre ensemble est une question qui devrait être d’actualité dans l’Église. J’ai un frère au Chili dans un quartier populaire de Santiago. La vie y est épouvantable : misère totale, corruption, injustice, impuissance. Le vivre ensemble n’y existe pas.

D’ici 10 ans, l’Europe va exploser, du fait de l’immigration. Nous participons au réseau RESF5 (Réseau éducation sans frontière) pour lutter contre les conditions déplorables des immigrants en centres de détention. Les situations des personnes expulsées sont extrêmement compliquées. Le cercle du silence initié par les moines trappistes de Toulouse, une fois par mois, m’impressionne de par sa force.

*Je suis à la retraite depuis un mois. Ce n’est pas facile, le boulot traîne dans la tête, sensation bizarre. Dans le travail, j’ai eu la chance de pouvoir réfléchir sur ce que chacun pouvait apporter ou ne pas apporter au vivre ensemble. Ce n’est pas forcément naturel, cela se construit. Il faut pouvoir se dire les choses dans le respect de chacun. Mais il y a des limites qu’il faut connaître.

Vivre ensemble, c’est pour moi l’accueil des marins. Nous avons eu la chance de pouvoir mettre en place une structure d’accueil de retour. Moments brefs mais moments de vie importants.

Vivre ensemble au niveau de la planète, c’est angoissant : problème de la malnutrition qu’il va bien falloir régler.

 

*Vivre ensemble n’est jamais acquis. Cela suppose des réajustements constants, que l’on sorte de soi pour entrer en relation. Mais pour pouvoir accompagner les autres, il faut avoir du temps pour vivre avec soi. Il faut être un groupe. La vie avec les marginaux n’est pas possible, mais il va falloir se décarcasser pour faire disparaître la marginalité.

Vivre ensemble en famille avec notre belle-fille de culture différente : question de savoir être et d’échange. Vivre ensemble, ce n’est pas tout accepter non plus : savoir le dire et accepter que chez l’autre et chez nous, tout n’est pas parfait. Il y a un réapprentissage du quotidien qui doit se faire.

Pourquoi être encore ensemble en couple aujourd’hui ? Il faut apprendre à se le dire, à dire pourquoi cela fait sens pour nous. Surtout pour nos enfants qui ont vécu des ruptures. Si cela semble acquis, c’est fichu. Se méfier du quotidien.

J’ai beaucoup appris avec les étrangers. Ils nous obligent à changer de regard.

*Un enfant qui s’ouvre à la vie et c’est le début du vivre ensemble. On n’a pas le choix : nous avons besoin de vivre avec les autres. Il faut se connaître soi-même pour pouvoir aimer l’autre, partager, s’épanouir ensemble, ne pas se faire phagocyter.

La vie m’a enrichie, j’ai connu des choses inattendues dans le rapport avec les autres. J’ai vécu des relations profondes avec une jeune femme à l’étranger. L’apport des autres et ce que je peux leur apporter est une richesse. Je suis hypersensible à toute relation humaine. C’est une grâce que j’ai reçue en nouant des contacts avec des gens différents.

Dans la vie de couple, c’est toujours plus difficile, il faut sans cesse faire des efforts, mais globalement, nous sommes des parents et grands-parents heureux.

* Pas d’expérience de vivre ensemble sans conflit. Nous sommes plus experts pour faire du mal que pour tirer les choses vers le haut. Similitude entre les conflits de couples, de petits groupes et les conflits entre nations. Savoir gérer les conflits demande des compétences, un minimum de techniques à apprendre : sortir du cœur du conflit, se mettre en retrait et observer. Souvent la présence d’un arbitre va se révéler nécessaire.

Les paroles tuent. Une simple phrase peut tuer la relation, qu’elle soit volontairement violente ou non.

L’imaginaire pervertit les relations, certains évènements étant signifiants pour les uns et non pour les autres. Il faut acquérir des techniques pour pouvoir se dire des choses qui peuvent faire mal, dans une attitude de respect de l’autre. L’écrit peut être une technique en obligeant au recul et à poser les mots que l’on s’adresse.

L’on doit pouvoir échanger avec une certaine qualité de vérité.

« Nous devons apprendre à vivre comme des frères, sinon nous mourrons tous ensemble comme des idiots ». Martin Luther.

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