Quels sont les lieux où le vivre ensemble me nourrit ?
Grenoble, 16 janvier 2008
10 présents
- Pour moi il n’y a pas beaucoup de lieux qui me nourrissent. Je pense à des lieux de rencontre où l’on peut débattre. Ainsi le Centre théologique de Meylan ; on s’y retrouve en carrefour pour échanger avec des gens inconnus. Il y a aussi les Sessions de l’Arbresles ?
De façon étonnante, c’est maintenant dans l’Église que je me situe le mieux. Par rapport à tout ce que j’ai vécu c’est finalement au sein de ce gros truc. Récemment j’ai proposé à Saint Marc un projet fait avec le CCFD, il a été discuté avec une vingtaine de personnes (Saint Marc, Eybens, Poisat). On a aussi besoin de la différence, car si j’ai apporté une trame à la réunion, les autres m’ont apporté en retravaillant les propositions.
Que m’offre-t-on d’autre dans la société ?
L’Église c’est un lieu avec des conceptions philosophiques et des idées plus vastes, et il y a aussi du concret, elle inclut l’art, la musique … La religion a amené les cathédrales, les œuvres d’artistes, elle prend en compte les mystères de la vie et de la mort.
Bien sûr je me suis heurté à l’inquisition, il y a eu débat … derrière l’autorité, la base brimée se rebiffe.
Au premier millénaire, l’image de l’Église c’était la Mère (Notre Sainte Mère l’Église) puis, après le Xe siècle, l’image est devenue la Vierge.
Les syndicats, qui ont leur place, sont moins ouverts sur tous les domaines de la vie.
Les grands textes religieux ont aussi été source d’inspiration, notamment en musique et en architecture. L’Église, le christianisme au sens large, rejoignent le sentiment religieux des civilisations anciennes.
- Je ne suis pas dans les mêmes longueurs d’ondes. Je suis trop pragmatique. Pour moi, c’est plutôt la vie associative qui me permet de vivre ensemble avec d’autres qui ont des opinions différentes.
Je ne dis pas que la religion n’intervient pas dans ma façon d’agir, mais c’est plutôt en arrière-plan. C’est l’action que je vais faire, où je me sens utile, où je peux apporter une certaine connaissance. Pendant les dernières années de ma carrière, je me suis pas mal intéressé à cet aspect-là : intérêt dans l’animation d’une équipe pour motiver les gens.
Pour moi, cela a toujours été agir pour être utile.
- C’est notre groupe de Pingouins qui m’aide beaucoup, et la famille. Être à l’écoute des enfants, on découvre des richesses, il y a beaucoup d’échanges. Garder et cultiver le réseau d’amitiés.
J’ai beaucoup discuté avec ma bru avant son départ au Vietnam, et j’ai trouvé qu’à son retour, elle avait un regard très positif par rapport aux « montagnards », et mon fils a un réseau d’échange avec ses frères et sœurs dans le village.
Dans l’association franco maghrébine “Arc en ciel”, on découvre les valeurs de chacun et cela m’aide à sortir de chez moi.
- Je ne vois pas trop de lieux ; peut être des paysages, des personnes que j’aimais aller voir et qui m’apportaient beaucoup, des associations avec des gens différents…
- Je suis plutôt dans « l’Être » que dans « le Faire ». Un lieu c’est un endroit où « être » plutôt que « faire ». Réfléchir à ce que je veux être, quel rayonnement je peux donner à l’autre. J’ai beaucoup aimé la marche dans le désert, cela m’a aidé à prendre du recul.
J’ai beaucoup de lieux conviviaux. Qui se ressemble, s’assemble : on est vraiment bien avec des gens qui se ressemblent. Mais ce n’est pas ce que je recherche, c’est un plus. Ce que j’ai privilégié, c’est de sortir de là d’où je viens, sortir du milieu protestant, vers un autre milieu. Et cela me permet de me ré-enraciner dans ma religion. Je privilégie souvent les réunions qui ne sont pas de mon Église.
L’approche religieuse c’est une chose qui me fait vivre, mais je n’ai pas cette recherche permanente, je cherche le contact.
On a besoin du « faire ensemble », c’est réel, mais ce n’est pas ce qui m’enrichit d’abord.
- Actuellement c’est dans le « faire » et notamment à l’Atelier Bois de la MJC Prémol où je vais deux fois par semaine. On réalise quelque chose. Il y a une pièce avec les machines, beaucoup de bruit, où se trouvent généralement 3 personnes, et une pièce, disons de conception, avec 3/4 personnes, peu de bruit, cela permet de discuter. Ce sont des gens qui ne me ressemblent pas : un jeune de 14 ans en difficultés scolaires et familiales, un garçon boucher, un technicien EDF, un directeur de ressources humaines, des anciens artisans électriciens, quelques montagnards… En discutant, on réalise et on aide à réaliser. On forme les gens pour qu’au bout d’un an environ, ils deviennent autonomes.
- Ma première réaction : je suis trop toujours dans le même potage, je n’arrive pas à aller dans des groupes vraiment différents. J’ai quitté mon travail au diocèse pour finalement me retrouver dans ma paroisse, mais l’œcuménisme amène de l’air différent.
Je ne pourrais pas retourner dans le milieu où j’ai été élevée, est-ce par prudence ? Impression que le monde structuré où j’ai grandi s’écroule, alors que je veux vivre avec des gens qui « ne s’écroulent pas ». Madagascar m’a ouvert : des gens qui pensent différemment, ont d’autres contraintes… Des façons différentes de penser, ça me rassure.
J’aime bien avoir des temps de pause et voir mes petits-enfants.
- Des lieux ? C’est là où je retrouve mes amis. Toute ma vie a été construite par mes amis, les rencontres, depuis mon adolescence, de jeune mariée, de jeune mère de famille.
Je ne recherche pas la différence, j’ai des amis avec beaucoup de choses en commun.
Puis j’ai rencontré le milieu professionnel. Cela a été une révélation, car différent de tout ce que j’avais connu : milieu de jeunes paumés, pendant une quinzaine d’années ; dans la journée, je m’occupais des 16 –18, puis des 18 – 25 ans, des femmes en réinsertion, mais c’était dans une structure complètement différente. Quand je sortais des lieux de stage, changement total de décor, aller en tailleur à la chambre de commerce, faire des ronds de jambe au milieu grenoblois.
Quand j’ai quitté, cela ne m’a pas manqué, et je me suis retrouvée dans « l’obligation » de retrouver mes amis : besoin vital d’amitiés ; on a nos amis de 40 ans que l’on retrouve toujours avec autant de plaisir. Nous avons aussi vécu avec eux des choses difficiles. J’existe par eux.
- Beaucoup de groupes m’enrichissent :
1 - les Pingouins, car je suis Pingouin depuis plus de 30 ans : sens de l’écoute, communion avec des gens, lien avec des abbayes …
2 – “Arc-en-ciel” (Amitiés franco maghrébines) : fenêtre sur le monde ; on imagine bien les inquiétudes de ces parents dans le quartier.
3 - Galilée, les prêtres mariés. Un vécu énorme. Des gens qui pensent très fort. L’Église devrait avoir un meilleur rapport, un meilleur dialogue avec ceux qui vivent à la marge.
4 - Nébuleuse de lieux spontanés, les marchés, les rencontres dans l’ascenseur, chez le coiffeur, les petits-enfants …
- Finalement, ce qui m’aide ce ne sont pas les lieux, c’est plutôt la famille.
J’ai connu beaucoup de lieux, au travail, les associations, mais c’est encore avec la famille, enfants, petits-enfants, frères et sœurs que je me sens bien.
La montagne, la forêt, la nature, oui… mais pas toute seule.
J’aime bien être en communion avec quelqu’un.
Dans le groupe des Pingouins, ce n’est pas que je ne me sente pas bien, j’aime bien vous entendre, mais je n’ai pas grand-chose à dire.
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