LIBERTÉ D’EXPRESSION EN DÉMOCRATIE

Jusqu’où la liberté d’expression ?

Comment s’arrête mon droit à exiger le respect de mes droits ?

Grenoble, 27 mars 2017

 

13 présents

 

 

La liberté d’expression c’est très bien, mais parfois ça m’est insupportable, les moqueries sur des personnes, la religion. On peut être blessé par des moqueries très dures.

Le côté positif est important : quand il n’y a pas cette liberté, quand tout est muselé, ça bloque. La liberté d’expression est un outil pour avancer. Je suis content qu’il y ait des règles pour l’encadrer (diffamations, propos racistes, …). Ce qui t’insupporte, je ne le lis pas. Je suis parfois attaqué dans mes convictions. Je trouve souvent nul ce que les gens écrivent pour réagir à un article, je ne le lis pas. Je respecte les décisions de justice. Je ne lis jamais Le Canard Enchaîné. La critique un peu systématique, c’est utile, je n’aime pas le lire, mais je ne suis pas contre.

 

J’ai lu récemment un article de quelqu’un qui était de l’ex-Union Soviétique disant « C’est fou, on nous avait supprimé tous les cafés » : la liberté d’expression c’est aussi se donner les moyens, les lieux pour débattre. Même à des propos racistes, on n’a pas toujours le moyen de réagir. Des gens ont payé de leur vie cette liberté d’expression, c’est un bien commun. La liberté d’expression n’est pas la liberté d’injurier, mais l’art d’argumenter, de trouver les bons mots.

 

Je n’ai jamais souffert de la liberté d’expression. Je réserve mes propos à l’époque passée au Chili (nous n’étions qu’une vingtaine de coopérants) où j’ai vu défiler plusieurs épisodes politiques. Il y a eu la réforme agraire. Des mouvements plus difficiles ont commencé. Des mouvements d’extrême gauche. Un coopérant s’est fait arrêter, il avait lancé une grenade, 6 mois de prison. Suite à ça, les coopérants ont été convoqués à l’ambassade, où le conseiller culturel nous a demandé de ne pas discuter des avis, de rester neutres.

 

C’était aussi le début de la démocratie chrétienne. Liberté de parole complète. Le Chili à cette époque, un grand pays, peu peuplé, pays pauvre. Surtout de l’agriculture, peu d’industries, des paysans, des propriétaires terriens ayant de grandes propriétés, mais très pauvres, pas de mouvement ouvrier. Nous, les coopérants, faisions partie de l’élite intellectuelle, fréquentions beaucoup de gens, les bourgeois. Est arrivé Allende. L’élection présidentielle est à un seul tour. Allende est passé avec très peu de voix, nommé président ça a été le bordel, les USA ont aidé à la déroute, la bourgeoisie chrétienne dont je faisais partie a appuyé sur la pédale. On travaillait pour le pays, on payait nos impôts, on se sentait du pays, mais on n’avait pas à juger, neutralité complète.

 

Il y a des propos que je ne supporte pas et il y en a de plus en plus. La période actuelle (élections) est très favorable à raconter n’importe quoi, j’écoute donc plus de musique que la radio. Ma liberté d’expression, personne ne m’empêche de m’exprimer, c’est à moi de savoir quand m’arrêter. Je dois faire attention à ce que je dis et à qui je le dis. Je suis libre, mais jusqu’à un certain point.

Sur le plan théorique, je trouve cela extraordinaire. En réalité, j’ai toujours un peu de mal quand quelqu’un casse un consensus (un consensus va pour le bien commun). J’ai évolué, la critique sur ce qui se passait dans ma famille me touchait. La critique contrebalance le pouvoir. La liberté ne va pas sans la fraternité. Paul répond à la question « Peut-on manger des choses impures ? », « Oui, vous avez la liberté, mais si cela doit choquer quelqu’un, vous ne le faites pas ».

 

Je suis un peu attristée quand je vois sur Facebook (toutes les nouvelles familiales passent par Facebook) ce « j’aime », « je n’aime pas ». C’est un peu limité. Quand les phrases passent par le Canard, on lit ou on ne lit pas, mais parfois elles s’imposent à toi et tu ne peux pas choisir. J’apprends à écouter les gens qui ne sont pas d’accord avec moi.

Pas de démocratie réelle s’il n’y a pas de liberté d’expression. Exemples un peu simplistes avec la Russie, la Turquie et peut être les USA, si c’est le pouvoir qui définit ce qu’on peut dire. La liberté d’expression ne veut pas dire que l’on a le droit de dire n’importe quoi. Il y a des lois qui encadrent. La liberté d’expression n’est pas entièrement libre, il faut nécessairement des barrières. Ces barrières ne doivent pas être quelque chose pour renforcer le pouvoir.

 

Je fais un jeu de mot : dans la liberté d’expression il y a plein de contraintes. On n’est pas libre de dire tout ce qu’on veut, tout ce qu’on pense. Contrainte du côté de la vie professionnelle ou personnelle ; cela peut avoir des conséquences pour moi, ce n’est pas grave, mais aussi pour les gens avec qui je travaille. Il faut parfois tenir sa langue et pour moi c’est dur, cela va à l’encontre de la liberté d’expression. Je ne peux pas dire « merde » à un élu quand cela n’engage pas que moi. « Ma liberté s’arrête où commence celle des autres », donc penser à l’environnement au travail, ceux qu’on côtoie, des groupes…

 

C’est abominablement difficile à vivre, la liberté d’expression est inféodée à ce qui nous entoure. Une fois j’ai été interviewé, mais la restitution ne donne que quelques passages qui peuvent faire dire le contraire de ce qu’on a dit. C’est un détournement de la liberté d’expression, c’est un abus.

Adhérente à Amnesty International, tous les mois j’écris des lettres, souvent à des gens en prison en raison de l’absence de liberté d’expression dans leur pays. Comme un journaliste du Sri Lanka qui a disparu depuis 10 ans à cause d’un article où il comparait deux candidats. On a la chance de vivre dans un pays où l’on a le droit de s’exprimer. Sur ces fameux réseaux sociaux, les gens écrivent n’importe quoi et il n’y a pas beaucoup de contrôle. Il faudrait un encadrement. Les gens disent des choses fausses, c’est assez dramatique.

 

J’ai toujours été choqué par la liberté d’expression de certains imams radicaux en Angleterre. Les anglais y ont mis bon ordre. J’ai été à la mosquée de l’Arlequin à Villeneuve ; j’ai vu qu’il y avait un salafiste. J’ai été dans d’autres mosquées (et l’école coranique ?).

Les Français disent qu’on parle trop de religion. L’affaire des foulards, nos mères en portaient. À la marche rapide dans le parc, j’arrive à parler avec Chafika, Kabyle. 15 personnes de sa famille ont été massacrées. Elle est FLN. Je lui ai raconté « l’enfant prodigue ». Chafika prend la défense du fils aîné.

La fois d’après, on parle d’Algérie. Je lui dis, dans le Coran, le premier nom est Le Miséricordieux. As-tu demandé à ton imam ce qu’on entend par là ? Elle me répond : je ne parle jamais avec mon imam.

 

J’ai aussi partagé un rêve dans lequel Daesh m’avait fait prisonnier. J’avais demandé un Coran pour trouver les phrases où l’on parle de l’amour de Dieu et de ses frères pour le montrer au geôlier. Effectivement on ne peut pas aimer Dieu si on n’aime pas ses frères.

J’arrive ainsi à aller sur le terrain religieux.

 

Au Vietnam je ne connaissais pas la liberté d’expression. Personnellement j’entendais mon père, mon frère dire « attention ». Si l’on rencontrait les prêtres il fallait retenir ses paroles.

Actuellement j’admire les gens au Vietnam ; les réseaux, certains blogs ne sont pas nuls.

On vient de découvrir des grottes, on veut mettre un téléphérique permettant de les visiter. Un groupe d’architectes fait des débats pour expliquer. Pas de pouvoir central, plutôt un pouvoir local. Si pas de liberté d’expression pas de démocratie ; on en est là au Vietnam. Ma génération n’ose pas parler, mais les jeunes ont un regard plus neuf ; ils arrivent à analyser et trouver que le régime communiste ne marche plus.

 

J’ai parfois du mal à supporter certains sujets, certains journaux, plus Charlie Hebdo que Le Canard Enchaîné d’ailleurs. J’écris mensuellement à un prisonnier palestinien, cela me permet de mieux apprécier la chance de vivre en France.

La liberté d’expression est fondamentale pour la démocratie ; que chacun ait des droits égaux pour élire ceux qui nous gouvernent, d’accord mais ça ne suffit pas. Élu au conseil municipal dans l’opposition, il faut respecter une certaine discipline : je vais prendre telle position, voter pour, même si je ne suis pas complètement d’accord (je n’irais pas en prison si je votais contre). Il faut des limites claires à la liberté d’expression. D’autres sont moins claires, certaines caricatures sont ignobles, mais permettent au journal, d’écrire quelques articles, même fouille merde, mais qui touchent à de vrais problèmes.

 

Je n’aime pas que le législateur m’impose une façon de penser. L’esclavage est un crime contre l’humanité. Pourquoi m’imposer une leçon d’histoire figée par la loi. À la limite, on peut dire la même chose de la shoah.

Être révisionniste, négationniste, c’est proférer une erreur par rapport aux victimes, mais est-ce que proférer une erreur doit être interdit ? Il faut un dialogue entre les révisionnistes. Le fait qu’il y ait des négationnistes, renforce le fait d’être non négationniste. La seule limite c’est le mal que l’on fait aux autres.

 

Le journaliste et écrivain algérien Kamel Daoud, a dit à propos des agressions sexuelles du nouvel an 2016 en Allemagne, par des immigrés majoritairement musulmans, que l’islam a un problème avec les femmes et l’acte sexuel. Un imam salafiste a appelé le régime algérien à le condamner à mort publiquement. (À la suite de la plainte déposée par Kamel, il y a eu un procès qu’il a gagné), il y a eu un dialogue.

 

Et Notre Dame des Landes ?

- Actes qui vont au-delà de la liberté d’expression (aller contre la loi, arrêter le chantier…) Peut-être que la décision n’a pas été bien prise

- En montagne au-dessus de 2 000 m on peut tout dire, au-dessus de 3 000 m on peut tout faire.

- Ce qui est manifesté à ND des Landes est accepté par notre pays et géré.

- En bloquant tout le pays quand on en a le pouvoir ?

- Toutes les avancées sociales ont été faites par des grèves.

- Différent d’utiliser ce que la loi permet et aller au-delà.

- Les camionneurs bretons ont défendu leur bien contre le bien public.