AIX ENPROVENCE

Compte rendu de la réunion du 9 novembre 2020 sur le thème:

La responsabilité qu’on me fait porter, à travers la déresponsabilisation ambiante et la judiciarisation. – La responsabilité qu’on me vole – Le refus de la responsabilité.

 

Réunion du 9 novembre 2020

J’aurais dû décider, mais sous la pression des collègues, je ne l’ai pas fait. Un rapport de force entre un élève et un aréopage de professeurs qui voulait lui barrer la route, alors que son rapport était impeccable. Ça laisse des traces, on se dit qu’on aurait dû aller au bout en convaincant les autres.

Pour la Covid, ce n’est pas compliqué, si ma responsabilité est engagée pour éviter des risques de propagation, le geste de protection est de ma responsabilité, même si ça me coûte, comme pour ma petite voisine Joséphine dont les parents n’ont pas les mêmes attitudes. Eux sont contre tout vaccin.

J’assume mon existence bien que n’en étant pas responsable, j’assume d’être un être humain, je consomme, produis des déchets et les impose aux autres. J’assume de m’être marié et d’avoir mis au monde des enfants. J’assume la famille que j’ai imposée aux autres, le fait que mon épouse, au foyer, soit dépendante de moi. On ne m’a jamais volé ma responsabilité. Il y a des règles indispensables à la vie en société (à partir du Décalogue). Pour le masque, sauf lorsque je croise quelqu’un, je le porte sur le menton.

Deux exemples qui me gênent dans notre société. Entre le discours officiel, rester chez soi, et ce qui se fait dans la réalité à propos du télétravail, où l’on est « incité » à venir sur site. J’ai horreur du double discours, c’est un manque de courage. Je me sens exclu des débats parce que je n’influence pas. Il n’y a plus de débats scientifiques, seulement des convictions qui ont remplacé les arguments. Si l’on n’est pas dans le politiquement correct, c’est l’arrêt net. La responsabilité qu’on ne peut m’enlever, c’est de rester « simple ». Pendant les négociations, on essaie de m’entuber, je pourrais tirer vers le bas, mais ma responsabilité c’est de ne pas rentrer dans un mode guerre/ jeu. Mieux vaut montrer qu’on est honnête. Finalement, tirer vers le haut, c’est mieux !

On a reçu une éducation où la responsabilité avait une place prépondérante. Aujourd’hui, tout est dilué. Beaucoup de gens se sont affranchis de leur responsabilité dans la crise de la Covid, sous prétexte de liberté. Il y a eu un « gauchissement » de la liberté. J’ai appris en pension, donc dans un cadre très strict, ce qu’était la vraie liberté. Tout le monde donne son avis sur tout et n’importe quoi, comme si nous étions des experts en tout. J’assume ma lâcheté de n’avoir pas osé demander à notre ami Américain s’il avait voté pour Trump. Je n’ai pas osé dire ce que j’en pensais. Je transgresse l’ausweis en allant voir ma petite-fille laissée à elle-même le mercredi. C’est une prise de responsabilité.

Je me sens responsable face aux consignes contre la Covid par rapport au confinement. On vit dans un monde complexe, quelle est la bonne réponse ? Le gouvernement nous donne des consignes pour la vie biologique, pas pour le reste. Il n’y a pas de place pour la liberté, mais des questionnements ; jusqu’où ira-t-on ? Le nazisme est un régime élu, jusqu’à ce qu’il interdise les Juifs. Il faut rester vigilant. Dans ma vie, j’ai du mal à prendre des décisions, c’est difficile de faire déplaisir à quelqu’un. Par exemple, mon patron vient de me demander de proposer une solution qui a contrarié quelqu’un. J’ai du mal à prendre la responsabilité d’une décision, ça remonte au divorce de mes parents, j’ai peur de faire de la peine.

Je ne suis pas certain d’être clair, je trouve le sujet contradictoire. D’un côté, il y a la lâcheté d’une non-prise de position, que j’ai souvent vécue. Je suis resté dans le flux et je me pose encore la question du bien fondé. Mais ce n’est pas évident de dévier le courant. Je l’ai très mal vécu, même si des intérêts au-delà de ce que je percevais étaient en jeu. Prendre des décisions ne fait pas que des heureux. Pour la Covid, on sauve des vies, mais à quel prix ? Les effets collatéraux (suicides, faillites, clef sous la porte, pauvreté+++) sont très importants. On touche à des domaines sensibles alors que les champs d’action sont de plus en plus réduits. La responsabilité s’amenuise, on n’a plus les tenants et les aboutissants, je n’arrive plus à faire la part des choses, un peu comme pour les limitations de vitesse, on ne peut plus se comporter comme il y a 40 ans. D’où le courage des lanceurs d’alerte.

On vit dans deux mondes, l’un irresponsable, avec des règles qui font que si un événement se produit, je ne suis pas responsable. Et puis le fait que je suis responsable, j’en ai la pleine conscience ; ce qui compte, c’est ce qui arrive.

Je me sens assez responsable dans mon boulot, surtout dans la partie technique. Mais pour les décisions qui impliquent l’humain, trop de fois les gens se refilent la patate chaude. Je me sens assez responsable de mes enfants en matière d’éducation. Si un problème survient, je critique les gens qui n’agissent pas bien.

Responsabilité et judiciarisation, telles sont les deux plans qui s’opposent jusqu’à l’absurde. Par définition, le propriétaire d’une voiture n’est pas compétent, le professionnel, si. Il y a distorsion du principe de responsabilité. Suite à un accrochage automobile subi par mon épouse, la voiture a été considérée non roulante, mise sur camion dépanneur et immobilisée en garage. J’ai inspecté le véhicule, redressé le pare-chocs et nous avons pu repartir avec. Le non-respect des procédures a arrangé tout le monde. C’est du bon sens, et à ma surprise, l’assureur m’a fait confiance. Je prends mes responsabilités en m’informant à diverses sources depuis quelques temps (80 km/h, CO2 et température du climat en hausse). J’en emmerde certains en refusant de ne réfléchir qu’avec les neurones « autorisés » au point que l’on m’évite. Ce sont les débats de convictions qui freinent tout.

J’ai l’impression d’être différent des autres. A cause de la Covid, je fais attention quand je croise quelqu’un dans la rue, suis vite agacé si le masque n’est pas porté, mais je n’aime pas le conflit. Je ne critique pas le gouvernement. En France, on est anti-règlement. Mais les infos sont contradictoires et j’ai le droit de garder un esprit critique ; d’ailleurs, je traverse la rue en-dehors des clous. En plongée, j’avais de lourdes responsabilités parce que c’est un sport dangereux (respect de la profondeur, du temps, des paliers), mais quand le fils d’un acteur connu a demandé à plonger alors qu’il avait presque 12 ans, j’ai dit oui. Ma naissance m’a été imposée, ce n’est pas toujours positif.

Par principe, je suis anti-règles ; bien que je ne les trouve pas toutes justifiées, je m’y plie. Les règles sont fonction de références et d’interprétations, c’est subjectif, chacun voit midi à sa porte. Donc j’embrasse mes petites-filles. Dans les grosses boîtes comme Eurocopter, les responsabilités sont diluées. Malgré tout, certaines décisions touchant à l’humain sont difficiles à prendre, par exemple désigner des collaborateurs au licenciement, ça m’a empêché de dormir. Dans les relations familiales, je fournis des efforts, même si ça ne me fait pas plaisir.

Dans mon métier de généraliste, il y avait deux impératifs : le contact avec la patientèle et le côté technoscientifique. Le problème de « hâter la fin de vie » m’a posé un problème à deux reprises. Pas grand-chose à faire si ce n’est de parler d’espoir. Pour la Covid, je trouve que porter le masque est un geste citoyen, comme voter. Le confinement est-il habile ? Modulé ? Je ne sais pas, on ne pourra parler qu’avec le recul, mais ce n’est pas une question de liberté, c’est comme pour le vaccin.

Je suis responsable de moi, des autres. Je ne supporte pas le discours médiatico-politique culpabilisant, infantilisant et qui enferme dans la peur grâce à un mélange d’incohérences et de saturation (cf. la philosophe Hannah Arendt sur la dictature et son rapport aux média). Ça me révolte. Par ailleurs, Marie de Hennezel (psychologue, psychothérapeute et écrivain), a analysé cette peur ou occultation de la mort imposée aux gens enfermés dans les Ehpad, qui disparait dès lors que l’on aborde le sujet. On ne se soucie que de la vie biologique. Alors, je jardine, je me suis inscrite à un panier local de légumes bio, je groupe mes courses, j’envoie des cartes postales à Papa et à ma belle-mère, suis des cours de grec via WhatsApp et je vais communier à l’église parce que j’en ai besoin.